Shawkan, 4 ans de prison pour des photos, 4 ans de trop

Il y a quatre ans, le photojournaliste indépendant Mahmoud Abu Zeid connu sous le pseudonyme de “Shawkan” était arrêté alors qu’il couvrait une manifestation au Caire. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une injustice criante et renouvelle son appel à sa libération immédiate.

Le 14 août 2013, le photojournaliste Mahmoud Abou Zeid, 29 ans, plus connu sous le nom de Shawkan, a été arrêté alors qu’il couvrait, pour l’agence britannique Demotix, la violente dispersion par les forces de l’ordre des manifestants pro-Morsi sur la place Rabaa al-Adawiya, dans la capitale égyptienne. Depuis cette date, Shawkan est maintenu en détention, sans même avoir été condamné.


Une détention provisoire qui se prolonge indéfiniment depuis quatre ans, ce n’est pas un acte de justice mais une punition politique excessive, représentative du climat de répression que subissent les journalistes et blogueurs en Egypte, dénonce Alexandra El Khazen, responsable du bureau Moyen-Orient de RSF. Le seul crime de Shawkan est d’avoir voulu faire son métier de photographe. Quatre ans derrière les barreaux pour avoir voulu témoigner et documenter une manifestation est un prix à payer inacceptable. Shawkan n’a rien à faire en prison, il doit être libéré immédiatement et inconditionnellement”.


Dès son arrestation, Shawkan a fait l’objet d’un traitement entaché d’irrégularités. Alors que les journalistes américain Michael Giglio et français Louis Jammes, interpellés avec lui, ont été relâchés quelques heures plus tard avec des excuses de la police, le photographe freelance égyptien a, lui, été immédiatement emprisonné. En principe, selon la législation égyptienne, la période maximale légale de détention provisoire est de deux ans. Or Shawkan a dû attendre l’ouverture de son procès pendant plus de deux ans, ce qui va à l’encontre de l’article 143 du code égyptien de procédure pénale.


Jugé depuis 2016 aux côtés de 738 autres accusés, dont la plupart sont des membres de la confrérie des Frères musulmans, une organisation qualifiée de terroriste en décembre 2013 par l’Egypte, Shawkan risque aujourd’hui la peine de mort et ce malgré l’absence de preuve. Dans cette affaire hautement sensible, le photographe est sous le coup d’une dizaine de charges fallacieuses parmi lesquelles “meurtre”, “tentative de meurtre” et “appartenance à un groupe interdit” (Frères musulmans, ndlr). Moralement épuisé, il souffre aujourd’hui d’une hépatite C et d’anémie.


A l’heure où les espaces de libertés au sein de la société civile se réduisent drastiquement en Egypte, la liberté de la presse agonise avec des dizaines de sites d’information bloqués, des journalistes sous pression, ciblés et menacés d’arrestation, quand ils ne sont pas injustement condamnés à de longues peines de prison. Cette situation vaut au pays de figurer aujourd’hui à la 161ème place (sur 180) du Classement 2017 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
Publié le
Updated on 11.08.2017