RSF demande à la Turquie d’annuler les décrets de l’état d’urgence incompatibles avec les normes internationales
Deux mois après l’instauration de l’état d’urgence consécutive au coup d’Etat manqué, le 20 juillet 2016, le gouvernement turc continue de s’attaquer aux journalistes, au pluralisme et à la liberté d’informer. RSF publie un rapport dénonçant ces innombrables abus et appelle Ankara à renouer avec les principes démocratiques.
A l’occasion des deux mois de l’état d’urgence en Turquie, Reporters sans frontières (RSF) publie un rapport dans lequel l’organisation dresse le constat d’attaques frontales du gouvernement du président turc Recep Tayyip Erdoğan contre les médias indépendants depuis le 20 juillet. L’état d’urgence permet de court-circuiter la justice, pourtant moins indépendante que jamais, et de réduire les droits de la défense. De nombreux journalistes ont été arrêtés et inculpés sans motif sérieux et sans preuve de leur implication dans le coup d’Etat. Ils peuvent être placés en garde à vue jusqu’à trente jours, dont cinq sans accès à un avocat.
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Sous couvert d’état d’urgence, le gouvernement a également ordonné la fermeture définitive de plus de 100 médias (journaux, radios, chaînes de télévision, etc.), réduisant gravement le pluralisme déjà très compromis. L’état d’urgence donne à l’Etat le pouvoir de prononcer des sanctions administratives arbitraires (retrait de passeports, de cartes de presse), dans le but de discréditer et d’empêcher des centaines de journalistes de travailler librement.
“Au lieu de se mettre à l’unisson du peuple turc qui a résisté aux putschistes du 15 juillet et défendu la démocratie, le gouvernement Erdoğan s’est enfoncé dans la voie d’une répression toujours plus large de la liberté d’informer en Turquie, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est/Asie centrale à RSF. La Turquie utilise l’état d’urgence pour enfermer des journalistes et fermer des médias qu’elle suppose proches de ses ex-alliés de la confrérie Gülen, et bafoue ainsi la plus élémentaire liberté d’expression et d’opinion. Mais l’état d’urgence est aussi détourné pour s’attaquer plus généralement à tout média d'opposition.”
Le gouvernement du président Recep Tayyip Erdoğan a décrété l’état d’urgence pour trois mois, cinq jours après le coup d’Etat manqué du 15 juillet 2016. Il peut dès lors gouverner à coups de décrets-lois. La foudre s’abat sur quiconque est soupçonné de “liens” avec la confrérie Gülen, immédiatement désignée par Ankara comme responsable de la tentative de putsch. Des centaines de journalistes, travaillant pour des médias réputés proches de la confrérie mais aussi pour d'autres médias critiques du pouvoir, sont arrêtés, interrogés, inculpés ou licenciés.
Ce rapport a été rédigé par Erol Önderoğlu, représentant de RSF en Turquie, qui a été emprisonné dix jours en juin 2016 pour avoir pris part, comme des dizaines d’autres personnalités des médias turcs, à une campagne de solidarité avec le journal Özgür Gündem, qui défend les droits des Kurdes. Ce journal a été fermé brutalement le 16 août sous couvert d’urgence.
La Turquie occupe la 151e place sur 180 au Classement mondial 2016 de la liberté de la presse, publié par RSF.