Rio 2016: RSF lance la campagne “Certaines victoires ne méritent pas de médaille”
Alors que tous les projecteurs sont braqués sur Rio de Janeiro, Reporters sans frontières (RSF) lance une campagne de sensibilisation pour dénoncer les violences commises contre les journalistes au Brésil. Avec au moins 22 journalistes assassinés depuis les dernières olympiades de 2012, pour des raisons directement liées à leur travail, le Brésil est devenu second pays le plus meurtrier d’Amérique latine pour la profession.
La campagne “Certaines victoires ne méritent pas de médaille” (Algumas vitórias não merecem medalhas), réalisée en collaboration avec l’agence de Branding Cheeeeese, vise à sensibiliser la société brésilienne et la communauté internationale sur les risques encourus par la profession, et à mettre la pression sur les autorités pour l’adoption de mesures concrètes de renforcement de la sécurité des journalistes. Pendant la durée des Jeux, le bureau régional de RSF à Rio sera présent sur plusieurs sites olympiques, afin de faire entendre son message.
22
Journalistes assassinés au Brésil entre 2012 et 2016
Depuis les Jeux Olympiques de Londres en 2012, 22 journalistes* ont été tués au Brésil pour des motifs en lien évident avec leur activité journalistique. Sur cette même période, le Brésil est désormais deuxième sur le podium d’Amérique latine en nombre de journalistes tués, derrière le Mexique.
Dans la plupart des cas recensés par RSF, ces reporters, animateurs radio, blogueurs et autres professionnels de la communication, couvraient et enquêtaient sur des thèmes liés à la corruption, aux politiques publiques ou au crime organisé, plus particulièrement dans les petites et moyennes villes du pays.
Cette augmentation du nombre d’assassinats, perceptible dès 2010, n’est malheureusement pas la seule menace qui plane contre l’intégrité physique des journalistes. Les grandes manifestations de 2013 avaient été marquées par un climat de violence généralisée à l’encontre de la profession. Les reporters couvrant les protestations sont devenus des cibles systématiques des forces de l’ordre, agressés physiquement ou encore placés arbitrairement en détention provisoire. Cette tendance s’est poursuivie pendant la mobilisation et la gronde sociale qui avait accompagné la Coupe du Monde de football organisée dans tout le pays en 2014.
Selon les chiffres de l’Abraji (Associação Brasileira de Jornalismo Investigativo), entre mai 2013 et juillet 2014, 190 cas d’agressions de journalistes ont été recensés en marge des manifestations, dont la majorité commises directement par la police.
En outre, la forte polarisation politique du pays a contribué, et contribue aujourd’hui encore, à renforcer le climat de défiance envers les journalistes qui, lors de ces protestations dans les rues des principales villes du pays, sont également insultés et pris à parti par les manifestants, qui les associent directement aux lignes éditoriales des grands médias qu’ils représentent. Ce problème ne date donc pas d’hier. Pourtant, aucune mesure n’a été adoptée par l’Etat brésilien pour endiguer le phénomène.
321
Journalistes victimes de violences entre 2009 et 2014
Un rapport sur la violence contre les journalistes au Brésil a été publié par le Secrétariat aux Droits humains (SDH) en mars 2014, un mois après le décès de Santiago Ilídio Andrade, cameraman de la chaîne Bandeirantes, tué lors des soulèvements populaires du 6 février à Rio de Janeiro. Ce rapport, élaboré pendant deux ans avec la participation de représentants des ministères de la Communication et de la Justice et de plusieurs organisations de la société civile, a recensé pas moins de 321 journalistes victimes de violences, entre 2009 et 2014. Le texte soulignait l’implication directe des autorités locales dans ces cas d’exactions, et pointait du doigt l’impunité comme facteur favorisant la répétition de ces agressions. Plusieurs recommendations fondamentales ont été présentées dans le rapport, mais aucune d’entre elles n’a été jusqu’ici mise en œuvre. RSF souhaite relancer le débat en insistant particulièrement sur quatre propositions phares:
- La mise en place d’un Observatoire public sur les violences contre les journalistes, en partenariat avec les Nations Unies, afin d’enregistrer les exactions, proposer des solutions d’accompagnement pour les victimes et faire avancer les enquêtes pour identifier les responsables des agressions.
- L’extension aux journalistes et blogueurs victimes de menaces et de tentatives d’assassinat du Programme de protection pour les défenseurs des Droits de l’Homme (PPDDH).
- La fédéralisation des enquêtes sur les crimes commis contre les journalistes pour faire face à l’inertie flagrante des autorités locales dans certaines affaires.
- La mise en place de procédures de bonne conduite pour les agents des forces de l’ordre, basées sur des principes de non-violence déjà établis par la Résolution n°6 du 18 juin 2013 du Conseil de défense des droits de la personne humaine, afin d’assurer la sécurité des journalistes lors des manifestations.
* Les 22 journalistes et blogueurs tués entre 2012 et 2016 au Brésil
João do Carmo Miranda, SAD Sem Censura, tué le 24 juillet 2016 (Goiás)
Manoel Messias Pereira, Sediverte.com, tué le 9 avril 2016 (Maranhão)
João Valdecir de Borba, Rádio Difusora AM, tué le 10 mars 2016 (Pará)
Ítalo Eduardo Diniz Barros, Blog do Italo Diniz, tué le 13 novembre 2015 (Maranhão)
Israel Gonçalves Silva, Rádio Itaenga, tué le 10 novembre 2015 (Pernambuco)
Gleydson Carvalho, Rádio Liberdade FM, tué le 6 août 2015 (Ceará)
Djalma Santos da Conceição, RCA FM, tué le 23 mai 2015 (Bahia)
Evany José Metzker, Coruja do Vale, tué le 18 mai 2015 (Minas Gerais)
Gerardo Ceferino Servián, Ciudad Nueva FM, tué le 5 mars 2015 (Mato Grosso do Sul)
Marcos Leopoldo Guerra, Ubatuba Cobra, tué le 23 décembre 2014 (São Paulo)
Pedro Palma, Panorama Regional, tué le 13 février 2014 (Rio de Janeiro)
Santiago Ílidio Andrade, TV Bandeirantes, tué le 10 février 2014 (Rio de Janeiro)
Claudio Moleiro de Souza, Radio Meridional, tué le 12 décembre 2013 (Rondônia)
José Roberto Ornelas de Lemos, Jornal Hora H, tué le 11 juin 2013 (Rio de Janeiro)
Walgney Assis Carvalho, freelancer, tué le 14 avril 2013 (Minas Gerais)
Rodrigo Neto de Faria, Vale do Aço, tué le 8 mars 2013 (Minas Gerais)
Mafaldo Bezerra Goes, FM Rio Jaguaribe, tué le 22 février 2013 (Ceará)
Mário Randolfo Marques Lopes, Vassouras na Net, tué le 9 décembre 2012 (Rio de Janeiro)
Eduardo Carvalho, Última Hora News, tué le 21 novembre 2012 (Mato Grosso do Sul)
Valério Luiz de Oliveira, Rádio Jornal 820 AM, tué le 5 juillet 2012 (Goiás)
Décio Sá, Estado do Maranhão e Blog do Décio, tué le 23 avril 2012 (Maranhão)
Paulo Roberto Cardoso Rodrigues, Jornal da Praça, tué le 12 février 2012 (Mato Grosso do Sul)
Le Brésil occupe la 104e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2016 de RSF.