Le nouveau chef de la justice iranienne a du sang de journalistes sur les mains

Connu pour ses positions très dures contre les journalistes, l’ancien ministre du Renseignement Gholam Hossein Mohseni-Ejei qui vient d’être nommé chef du système judiciaire iranien est aussi mis en cause dans l’assassinat d’au moins un journaliste en 1998. Reporters sans frontières (RSF) demande la création d’une commission d’enquête internationale.

C’est un religieux conservateur, considéré comme un "dur" du régime, qui prend la tête du système judiciaire iranien. Gholam Hossein Mohseni-Ejei a été nommé, jeudi 1er juillet, à la tête de l’appareil judiciaire de la République islamique par le guide suprême de la Révolution, Ali Khamenei. Ancien ministre du Renseignement de 2005 à 2009, procureur général depuis 2009 et premier chef-adjoint du système judiciaire depuis 2014, il remplace le président nouvellement élu, Ebrahim Raïssi, aux plus hautes fonctions de l’autorité judiciaire iranienne. Non content de se succéder à cette fonction stratégique, les deux dignitaires religieux ont en commun d’être impliqués dans l’une des périodes les plus sombres de l’histoire de l’Iran : la terrible vague de répression de 1988, durant laquelle des milliers d’opposants politiques et des centaines de journalistes ont été assassinés par les autorités iraniennes. Mais ce n’est pas tout.


Après l’élection à la présidence d’Ebrahim Raïssi, la nomination de Gholam Hossein Mohseni-Ejei à la tête de la justice envoie un terrible message à la population iranienne et à la communauté internationale : tout est mis en place pour garantir l’impunité des crimes commis contre les journalistes iraniens, alerte le responsable du bureau Iran-Afghanistan de RSF, Reza Moini pour qui il est indispensable de mettre la création d’une commission d’enquête internationale à l’ordre du jour du Conseil des droits de l’homme (CDH). “Les démocraties, membres du CDH doivent honorer leur attachement aux droits humains en soutenant ardemment la création de cette commission.”



Jamais inquiété

Gholam Hossein Mohseni-Ejei a visiblement une détestation viscérale des journalistes. En 2004, lors d’un débat avec le journaliste indépendant Issa Saharkhiz sur la répression et la suspension des journaux en Iran, le ton était monté entre les deux hommes. Le religieux avait alors jeté un cendrier sur le journaliste avant… de le mordre à l’épaule.  L'anecdote pourrait prêter à sourire, si le passé de l’homme n’était pas aussi sombre : Gholam Hossein Mohseni-Ejei est directement mis en cause dans la disparition de quatre journalistes. 


En août 1998, Pirouz Davani, rédacteur en chef du journal Pirouz et militant en faveur des droits de l’homme et de la démocratie en Iran, est porté disparu. Son corps ne sera jamais retrouvé. Une enquête publiée en novembre 2000 par le journaliste de Sobh-é-Emrouz, Akbar Ganji, révèle que son confrère a été tué. Et que Gholam Hossein Mohseni-Ejei a ordonné son exécution. Quelques semaines plus tard, ce sont les corps de l’éditorialiste du mensuel Iran-é-Farda, Majid Charif, et des écrivains-journalistes Mohamad Mokhtari et Mohamad Jafar Pouyandesh qui ont été retrouvés dans une banlieue de Téhéran, portant des marques de strangulation. En janvier 2001, 15 agents du ministère des Renseignements ont été condamnés à des peines de prison et trois d'entre eux à la peine capitale. Mais Gholam Hossein Mohseni-Ejei, bien que mis en cause, en tant que chef du complexe judiciaire spécial chargé d'enquêter sur les crimes des fonctionnaires d'État, ne sera jamais inquiété.


Agents de l’étranger

En 2009, ce juge aux méthodes radicales joue également un rôle important dans la répression du mouvement de protestation né après l’élection présidentielle de 2009. Il a contribué à l’arrestation et la condamnation de centaines de journalistes. Des faits qui lui ont valu, avec huit autres responsables iraniens, d’être ajoutés à la liste des personnes visées par les sanctions américaines pour "violations graves des droits humains" en 2010. 


Porte-parole du système judiciaire iranien de 2010 à 2019, Gholam Hossein Mohseni-Ejei est également l’un des personnages à l’origine du placement en 2011, sans aucun procès, en résidence surveillée de l’ancien Premier ministre et propriétaire du journal suspendu Kalameh Sabaz, Mir Hossein Mousavi, ainsi que de son épouse, et de l’ancien président du Parlement et propriétaire du journal suspendu Etemad Melli, Mehdi Karoubi. Il a d’ailleurs interdit aux médias de publier des informations sur ces individus considérés comme étant ‘la tête de la sédition’ par le Haut conseil de la sécurité nationale et la justice.


Une politique particulièrement dure à l’encontre des journalistes que le religieux conservateur justifie au nom de la sécurité nationale ou pour cause d’immoralité, comme cela a été le cas, en juin 2016, lors de l’arrestation par les Gardiens de la révolution d’une dizaine de responsables de pages d’informations réformatrices sur la messagerie Telegram. 



Sanctionné aux États-Unis et en Europe

En 2020, les États-Unis ont de nouveau sanctionné Gholam Hossein Mohseni-Ejei pour des violations répétées contre les droits humains. Le nouveau chef de la justice iranienne fait également face à des gels d'avoirs de l’Union européenne et à des restrictions de voyage pour "violations graves des droits humains". Il prendra ses fonctions en août prochain.


L’Iran demeure l'un des pays les plus répressifs pour les journalistes. Le contrôle de l’information y est implacable. Le pays figure à la 174e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

Publié le
Updated on 13.07.2021