Il est temps que justice soit faite pour Shawkan
Alors que son procès doit enfin s’ouvrir le 26 mars, Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités égyptiennes de libérer immédiatement et sans conditions le photojournaliste Mahmoud Abou Zeid, aka Shawkan. Accusé de crimes qu’il n’a pas commis, son maintien en détention provisoire depuis bientôt 3 ans est en outre illégal au vu de la législation égyptienne.
“Un journaliste n’a pas sa place dans ce procès politique de masse, déclare Alexandra El Khazen, responsable du bureau Moyen-Orient de l’organisation. Shawkan est détenu depuis plus de 900 jours en prison et traité comme un criminel pour avoir simplement couvert la dispersion des manifestants pro-Morsi sur la place Rabaa Al-Adawiya. Le maintien de ce journaliste en prison est une preuve de l’absence de volonté politique réelle de préserver les voix indépendantes et donc protéger la liberté d’information et d’expression”.
Connu sous le pseudonyme de Shawkan, Mahmoud Abou Zeid, jeune photojournaliste de 28 ans, doit comparaitre samedi 26 mars prochain aux côtés de plus de 700 accusés, dont des membres de frères musulmans. Un procès reporté deux fois depuis décembre 2015. Arrêté sur la place Rabaa Al-Adawiya le 14 août 2013 alors qu’il couvrait la dispersion violente des manifestants par les forces de l’ordre, Shawkan a été interpellé, avec sa caméra, par la police. Battu lors de son arrestation, et dépouillé de son matériel, il a ensuite été torturé au poste de police. Dans une lettre publiée en mars 2015 Shawkan raconte: “Ils nous ont traités comme des animaux”. Les journalistes américain Michael Giglio et français Louis Jammes, interpellés avec lui ont été relâchés quelques heures plus tard avec des excuses de la police.
Alors que l’agence britannique de photos Demotix a confirmé que Shawkan était en mission ce jour-là pour l’agence - et que ses photos avaient déjà été publiée par des médias, organisations ou agences internationaux tels que Time Magazine, Index on Censorship, Bild, Die Zeit, IFEX, Open Democracy, etc... - le journaliste est sous le coup d’une dizaine de charges fallacieuses parmi lesquelles “meurtre”, “tentative de meurtre” et “appartenance à un groupe interdit” (Frères musulmans, ndlr), “participation à une manifestation illégale” et “possession d’armes”. Il encourt la prison à vie.
Son maintien en prison est par ailleurs devenu illégal au regard du droit égyptien, puisqu’il a dépassé la durée maximale de détention provisoire dans des cas exceptionnels (article 143 du code égyptien de procédure pénale).
Shawkan est aujourd’hui très affaibli. Moralement épuisé, il souffre en outre d’une hépatite C et d’anémie. En l’absence d’accès à des soins médicaux, sa santé ne cesse de se détériorer. Ahmed Abu Seif, source proche du journaliste et fondateur de la campagne “Free Shawkan”, décrit à RSF un état physique “critique”.
Les conditions de détention en prison sont particulièrement éprouvantes. Shawkan a été placé à l’isolement durant quatre jours début mars et interdit de visites durant deux semaines. Objet de nombreuses fouilles, il se sent harcelé par les autorités de la prison. Sa famille et ses proches qui lui rendent visite régulièrement font l’objet d’humiliations lors de ces visites.
L’Egypte est une des plus grandes prisons du monde pour les journalistes. Les intimidations, la censure, les campagnes d’arrestations des défenseurs de droits de l’homme ou de journalistes y sont continues. RSF avait écrit une lettre au président Sissi en février dernier pour l’alerter de la situation inacceptable des journalistes en Egypte.
Le pays figure à la 158ème place (sur 180) du Classement 2015 sur la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.