Avec la censure d’Internet, le régime d’Ilham Aliev parachève son emprise sur les médias
Reporters sans frontières (RSF) condamne fermement le blocage des cinq principaux sites d’information indépendants en Azerbaïdjan. Les autorités, qui censurent ces ressources depuis plus d’un mois, cherchent désormais à faire valider cet état de fait par un tribunal.
Les autorités azerbaïdjanaises ont le sens de l’ironie. Le 3 mai, journée mondiale de la liberté de la presse, un tribunal de Bakou examine le blocage des sites du quotidien Azadlig, des chaînes Meydan TV et Turan TV, du programme Azerbaycan Saati et de Radio Azadlig. Ces médias de référence sont inaccessibles en ligne depuis le 27 mars.
De récents amendements ont donné au gouvernement le pouvoir de bloquer tout site internet censé représenter un “danger pour l’Etat ou la société“. Ce blocage “préventif”, ordonné par le ministère des Transports, des Communications et des Hautes Technologies, doit être validé a posteriori par un tribunal. Une formalité, dans un pays où la justice se comporte comme le bras armé des autorités.
Le tribunal du district de Sabail a donc commencé le 27 avril à examiner la requête du ministère des Transports. A aucun moment celle-ci n’explique en quoi les cinq sites incriminés contreviennent à la législation. Pressé par la défense, le représentant du ministère a fini par citer le titre de quelques articles, sans toutefois pouvoir préciser quels passages posaient problème et pourquoi. Le procès, qui s’est poursuivi le 1er mai, reprend le 3 mai.
“En bloquant cinq sites d’information de référence, le régime d’Ilham Aliev liquide les tout derniers vestiges du pluralisme médiatique, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’est et Asie centrale de RSF. La répression contre les voix critiques ne cesse de s’intensifier en ligne, hors ligne, et jusqu’en exil. La communauté internationale doit enfin mettre un terme à l’impunité du régime de Bakou et lui demander de répondre de ses violations systématiques de la Convention européenne des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.”
Internet était le dernier moyen pour Azadlig d’atteindre ses lecteurs depuis l’interruption de son tirage papier, sous la pression des autorités, en septembre 2016. La santé de son directeur financier Faïg Amirov, emprisonné depuis huit mois, s’est considérablement dégradée. Plusieurs autres collaborateurs du journal, dont son rédacteur en chef par intérim Rahim Hajiev, ont été contraints à l’exil ces derniers mois pour échapper à un sort similaire. En février, le directeur de Meydan TV basé à Berlin, Emin Milli, a fait état de nouvelles menaces de mort à son égard. Le 2 mai, le directeur de la web-TV Kanal 13, Aziz Oroudjov, a été incarcéré pour 30 jours au prétexte qu'il aurait "refusé d'obtempérer à la police".
L’Azerbaïdjan occupe la 162e place sur 180 au Classement mondial 2017 de la liberté de la presse. En septembre 2016, un référendum a encore renforcé les pouvoirs du président Ilham Aliev, considéré par RSF comme un “prédateur de la liberté de la presse”. En février, sa propre épouse a été nommée première vice-présidente, devenant ainsi le deuxième personnage de l’Etat.