Des organisations de défense des droits de l’homme et de liberté d’expression exhortent les autorités marocaines à abandonner toutes les charges requises contre le journaliste marocain indépendant et contre son journal.
Deux ans après son incarcération et sa remise en liberté provisoire, le journaliste indépendant et directeur de la version arabe du journal électronique Lakome2 (qui a vu le jour suite à la censure de son prédécesseur Lakome), Ali Anouzla débute l’année 2016 en faisant face aux mêmes accusations de terrorisme, instrumentalisées par les autorités marocaines pour le poursuivre depuis septembre 2013.
Les dernières informations collectées indiquent que les accusations de terrorisme pèsent toujours sur Ali Anouzla, ce qui veut dire qu’il encourt toujours une peine de prison qui varie entre dix et trente ans.
Nous, les organisations signataires, exprimons notre vive colère contre la possibilité de voir Ali Anouzla traduit en justice de nouveau pour les mêmes accusations, utilisées par les autorités marocaines pour tenter de l’inculper depuis plus de deux ans. Nous affirmons clairement que ces accusations n’ont aucun fondement en droit international et qu’elles constituent une violation du droit du journaliste à s’exprimer et à informer le public.
Ali Anouzla avait été incarcéré le 17 septembre 2013, après avoir publié sur le site Lakome un article renvoyant à un lien du journal espagnol El Pais, qui à son tour, se référait à une vidéo présumée d’El Qu’aida au Maghreb Islamique. Le 24 septembre 2013, le juge d’instruction du tribunal d’appel de Rabat porte contre lui un ensemble d’accusations qui regroupe « l’appui matériel », « l’apologie de terrorisme » et « l’incitation à commettre des actes de terrorisme » (et ce, en vertu de la loi antiterroriste 03-03 du 28 mai 2003), le journaliste passe alors cinq semaines en détention provisoire avant d’être libéré sous caution le 25 octobre 2013.
Le 17 octobre 2013, alors qu’Anouzla était encore sous les verrous, les autorités marocaines ont censuré les versions arabe et française du site Lakome. Après sa libération conditionnelle, le journaliste a appelé à maintes reprises L'Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications, ainsi que le procureur général à lever l’embargo contre les deux journaux électroniques, mais sa demande est restée depuis sans réponse. Les deux sites ne sont pas accessibles à partir du Maroc.
En 2014 et 2015, Anouzla risquait de comparaitre devant la justice pour être entendu pour les différentes accusations de terrorisme qui pèsent contre lui, mais les audiences ont été sans cesse reportées pour prolonger son calvaire judiciaire de façon délibérée, et avec lui la possibilité de perdre sa liberté à tout moment.
Ali Anouzla compte parmi les journalistes arabes les plus respectés de la région, il est reconnu pour son engagement en faveur de la presse indépendante et son dévouement à la défense de la liberté de l’information. Ses écrits courageux n’hésitent pas à franchir les lignes rouges et à critiquer les autorités et le roi Mohamed VI.
Ses publications sont aussi célèbres par leur ligne éditoriale démocratique, qui transparait à travers la critique objective des principaux centres de pouvoir réel au Maroc. Cela a permis à Lakome puis à Lakome2 d’attirer un large public et de se faire une place de choix grâce aux contributions d’écrivains et de journalistes de haut niveau.
Plusieurs observateurs de la question des droits de l’homme au Maroc et à l’international pensent que cette vendetta des autorités judiciaires contre Anouzla vient en représailles à un article publié sur le site Lakome. Le papier en question avait divulgué le « scandale Daniel » qui avait amené le roi Maohamed VI à gracier le pédophile espagnol Daniel Galvan condamné à 30 ans de prison (il n’en a purgé qu’une), au nom de l’amitié maroco-espagnole.
Ce scandale a provoqué une vague de manifestations contre le roi Mohamed VI début aout 2013, créant un élan de solidarité sans précédent entre les organisations de défense des droits de l’homme locales et internationales.
Après le lancement du site Lakome2 en aout 2015, Anouzla a été appelé à comparaitre une deuxième fois devant le juge d’instruction le 26 novembre pour répondre à des questions se rattachant aux même procès instrumentalisé politiquement en 2013.
Nous demandons aux autorités marocaines d’abandonner définitivement toutes les accusations portées contre Ali Anouzla afin de le laisser exercer son métier de journaliste en toute liberté et indépendance sans entraves. Ces poursuites incessantes sur la base de fausses accusations sont une source d’embarras pour le royaume marocain. Malgré cela, les autorités paraissent déterminées à le punir pour avoir ouvert le débat sur les centres de pouvoir (tout en sachant que cette question est au cœur du travail journalistique). Ali Anouzla n’est pas un terroriste, et les autorités marocaines devraient avoir honte des tentatives persistantes de le dénigrer. Laissez Ali Anouzla travailler en liberté ! Laissez la presse critique et indépendante s’épanouir au Maroc !
Sigantaires :
1. Reporters Sans Frontières (RSF)
2. Association Mondiale des Journaux et Editeurs des Médias d’Information (WAN – IFRA)
3. Association Vigilance pour la Démocratie et l’Etat Civique
4. Fondation Maharat _Liban
5. Réseau Arabe pour les Informations des Droits de l’Homme
6. Le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits l’Homme en Tunisie
7. Centre Tunis pour la Liberté de la Presse
8. Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux
9. Organisation Journaliste en Danger
10. Pen International
11. Institut International de Presse
12. Réseau International des Caricaturistes
13. Comité pour la Protection des Journalistes
14. Association Tunisienne des Femmes Démocrates