7 ans de prison dont 5 ferme pour Ihsane El Kadi en Algérie : une “condamnation surréaliste”
L’injustice persiste et la liberté de la presse recule encore un peu plus en Algérie. Le directeur de Radio M et de Maghreb Émergent est condamné, en appel, à sept ans de prison dont cinq ferme et deux avec sursis, pour avoir prétendument reçu des financements de l’étranger. Cette peine, injuste et choquante, qui est l’une des plus lourdes jamais prononcées contre un journaliste algérien, couronne une procédure policière et judiciaire kafkaïenne et un acharnement contre Ihsane El Kadi. Reporters sans frontières (RSF) dénonce cette condamnation et appelle à sa libération.
Nouvel avertissement pour les journalistes indépendants en Algérie : malgré un dossier judiciaire vide, le patron de média Ihsane El Kadi a été condamné en appel, ce dimanche 18 juin, à sept ans de prison dont cinq ferme et deux avec sursis par la Cour d’Alger.
"La condamnation d’Ihsane El Kadi est surréaliste. Elle est le produit d’un harcèlement judiciaire contre un journaliste qui s’est battu pour exercer librement son métier dans un contexte de verrouillage politique généralisé. La place d’Ihsane El Kadi n’est pas en prison. Nous dénonçons également la mise à mort juridique de ses médias opérée au mépris de la loi.
Ce verdict intervient deux mois et demi après la sentence du tribunal de Sidi M'hamed qui avait condamné le directeur de Radio M et de Maghreb Émergent à cinq ans de prison, dont trois ans ferme, assortie d’une amende de 700 000 dinars algérien (4 800 euros environ).
Le tribunal avait également prononcé la dissolution de la société Interface Médias, qui regroupe les deux médias dirigés par Ihsane El Kadi. Il a été arrêté, la nuit du 24 décembre à son domicile, et placé en détention préventive après cinq jours de garde à vue.
Officiellement, Ihsane El Kadi était poursuivi au titre de l'article 95 bis du Code pénal qui prévoit une peine de 5 à 7 ans de prison pour “quiconque reçoit des fonds, un don ou un avantage... pour accomplir ou inciter à accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l'État, à la stabilité et au fonctionnement normal de ses institutions, à l'unité nationale, à l'intégrité territoriale".
Mais, comme le souligne son avocate, Me Zoubida Assoul “aucune preuve de la réception de fonds de la part d’un organisme ou un État étranger n’existe”. Elle précise que l’accusation parle de fonds étrangers alors qu’il s’agit d’argent versé par sa fille, Tinhinan, à l’entreprise dont elle est actionnaire. “Le procès d’Ihsane El Kadi en tant que journaliste est politique par excellence, ajoute l’avocate. La confusion entretenue depuis le début de cette affaire entre la personne physique, Ihsane El Kadi, et l'entreprise Interface média, démontre une volonté délibérée de faire taire le journaliste.” Son arrestation est survenue quelques jours après des écrits sur la politique algérienne – notamment un article sur les prochaines présidentielles ainsi qu’un tweet contestant des chiffres avancés par les autorités. S’en est suivi la constitution, a postériori, d’un semblant de dossier d’accusation. “Ni le juge d’instruction, ni le juge du tribunal n’ont examiné les preuves à décharge apportées par la défense”, dénonce vivement Me Zoubida Assoul
RSF mène une campagne internationale active en vue de la libération d’Ihsane El Kadi. L’organisation a saisi en urgence la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression ainsi que le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire.
Seize patrons de rédactions dont le prix Nobel de la paix Dmitri Mouratov ont également été réunis pour demander sa libération et la fin des entraves contre les médias qu’il dirige. Avant l’énoncé du verdict, les équipes de RSF sont également allées déposer 13 000 enveloppes devant l’ambassade d’Algérie pour symboliser les signatures recueillies par la pétition #FreeIhsaneElKadi.