18 ans d’impunité pour les meurtriers du journaliste Norbert Zongo
Dix-huit ans après l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités burkinabès d’accélérer la procédure judiciaire afin que l’assassinat du journaliste soit élucidé et que justice soit enfin rendue.
Pourtant, l’enquête a été rouverte en mars 2015, pendant la Transition politique qui a suivi la chute du président Blaise Compaoré au pouvoir durant 27 ans. En décembre, trois anciens soldats du régime de la sécurité présidentielle (RSP) avaient été arrêtés. Depuis, plusieurs témoins indirects ont aussi été entendus. Mais plus de 18 mois plus tard, le procès n’a toujours pas commencé. Or, au cours des dernières années, trois des six principaux accusés sont déjà morts et les chances d’obtenir des témoignages utiles s’amenuisent.
Contacté par Reporters sans frontières (RSF), Me Prosper Farama, avocat de la partie civile, s’impatiente : “Nous ne sommes pas satisfaits de l’avancée du dossier. Ce dernier dure depuis dix-huit ans, c’est loin d’être un délai raisonnable pour un procès (...) Nous demandons que tout soit mis en oeuvre pour répondre aux questions de la population. Ce que les Burkinabè attendent aujourd’hui, ce ne sont plus des auditions ou des inculpations, mais la vérité.”
Une décision de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples en mars 2014 avait en effet statué que le gouvernement burkinabè n’avait “pas agi avec la diligence due” pour élucider l’assassinat du journaliste. Si les familles ont aujourd’hui été dédommagées, il reste à rendre la justice. Maître Farama regrette que les moyens accordés au juge d’instruction soient pour cela insuffisants.
“Voilà plus de 18 mois que l’instruction dans ce nouveau procès est ouverte. Après 18 ans de déni de justice, c’est une bonne chose, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de RSF. Néanmoins, il faut que la justice accélère le pas. Les faits et les protagonistes de l’affaire sont connus et la vérité n’a que trop attendue. Ce dossier porte énormément d'attentes, non seulement pour la famille et les proches de Norbert Zongo, mais plus largement pour toute la population du pays qui souhaite y voir la fin de l'impunité et du non-droit de l'ère Compaoré."
Le corps du journaliste d’investigation de l’hebdomadaire L’Indépendant avait été retrouvé criblé de balles et calciné le 13 décembre 1998 dans sa voiture à une centaine de kilomètres de Ouagadougou. Il enquêtait alors sur la mort en détention de David Ouédraogo, le chauffeur de François Compaoré, frère et conseiller du président aujourd’hui déchu Blaise Compaoré.
RSF, qui a participé à la première commission d’enquête en décembre 1998, n’a eu de cesse de dénoncer les pressions politiques pour étouffer l’affaire, qui avaient mené à la prononciation d’un non-lieu en 2006.
Les médias au Burkina Faso travaillent par ailleurs de façon relativement libre et se sont notamment illustrés par leur professionnalisme lors du traitement de la crise politique de 2014. Le pays occupe la 42e place sur 180 pays au Classement mondial 2016 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.