17e audience pour le représentant de RSF en Turquie : cet acharnement judiciaire doit cesser

Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités turques à abandonner toutes les charges qui pèsent contre son représentant en Turquie, Erol Onderoglu. Jugé avec deux autres défenseurs des droits humains, il risque plus de 14 ans de prison pour avoir soutenu un quotidien d’opposition pro-kurde.


Mise à jour du 1/02/23 :

Lors de l’audience du 1er février, Erol Onderoglu, soulevant le refus de révocation de l’un des juges malgré ses liens étroits avec le parti au pouvoir l’AKP, a déclaré avoir “perdu confiance quant à l’impartialité de [la] cour”. Celle-ci a décidé d’attendre la déposition d’Ahmet Nesin qui réside en France ainsi que le témoignage du rédacteur en chef d’Özgür Gündem convoqué comme témoin et de poursuivre le procès le 25 mai prochain.


 

Le représentant de RSF en Turquie, Erol Onderoglu, se présentera une fois de plus devant les juges de la cour d’assises d’Istanbul le 1er février prochain, pour avoir, avec ses deux co-accusés la défenseuse des droits humains Sebnem Korur Fincanci et le journaliste et écrivain Ahmet Nesin , pris part, en mai 2016, à une campagne de solidarité en faveur du quotidien d'opposition pro-kurde Özgür Gündem (“Libre Agenda”).

“Avec 17 comparutions en près de sept ans pour une campagne symbolique en faveur du pluralisme médiatique, le cas de notre représentant en Turquie illustre tragiquement l’ingérence politique dans les affaires de justice. Nous exhortons la justice turque à mettre un terme à cet acharnement et à abandonner toutes les poursuites contre Erol Onderoglu.

Christophe Deloire
Secrétaire général de RSF

Une campagne de soutien à un journal criminalisée et un acquittement annulé 

En mai 2016, Erol Onderoglu et une cinquantaine d'autres personnalités s’étaient relayées pour assumer symboliquement et quotidiennement la rédaction en chef du quotidien Özgür Gündem persécuté par les autorités turques. C’est sur la base d’articles publiés pendant cette campagne de soutien qu’ils sont poursuivis pour “propagande terroriste”, “éloge d’un crime ou d'un criminel” et “apologie d’un crime”. Des accusations pour lesquelles ils sont passibles de 14 ans et 6 mois de prison en vertu de la loi anti-terreur n° 3713 et du Code pénal turc.

Erol Onderoglu et ses co-accusés avaient tout d’abord été acquittés en juillet 2019, au terme d’un premier procès marqué par de nombreux reports. Une décision annulée en octobre 2020, une semaine après que le président Erdogan a publiquement attaqué l’un des co-accusés, Sebnem Korur Fincanci, de “terroriste”. La cour d’appel d’Istanbul a rejeté le caractère symbolique de la campagne de soutien au journal et a considéré que les trois cas auraient dû être traités avec celui du rédacteur en chef du journal, Inan Kizilkaya. Depuis février 2021, la cour d’assises a donc été sommée de reprendre toute la procédure en jugeant les trois co-accusés pour les mêmes charges. 

Citant, entre autres, les cas d’Erol Onderoglu, de Sebnem Korur Fincanci et d’Ahmet Nesin, la rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains de l’ONU, Mary Lawlor, alertait en juin 2021 : “Je suis très préoccupée par le fait que les lois antiterroristes soient largement utilisées pour réduire au silence les défenseurs des droits humains turcs et pour perturber leur travail légitime de défense des droits humains.” 

Demande de révocation d’un juge de l’AKP rejetée 

La demande de révocation du juge Murat Bircan siégeant à la 13e chambre de la cour d’assises d’Istanbul en raison de ses liens très étroits avec le Parti de la justice et du développement (l’AKP), déposée fin avril par les avocats d’Erol Onderoglu, a été rejetée par la cour. 

Cette 13e chambre de la cour d’assises est celle-là même qui avait condamné le mécène Osman Kavala à la prison à vie et sept autres défenseurs de l’environnement à 18 ans de prison pour “tentative de déstabilisation du gouvernement” le 25 avril dernier. Ceux-ci étaient en fait impliqués dans le mouvement pour la protection de l’environnement, et plus précisément du parc de Gezi, près de la Place Taksim d’Istanbul. 

Alors que la cour attend la déposition d’Ahmet Nesin qui réside en France ainsi que le témoignage du rédacteur en chef d’Özgür Gündem convoqué comme témoin, le procureur pourrait présenter son réquisitoire dès le 1er février prochain. 

Représentant de RSF en Turquie depuis février 1996, Erol Onderoglu est un journaliste et un fervent défenseur de la liberté de la presse qui a reçu plusieurs prix internationaux. Sa rigueur et sa droiture, reconnues dans le monde entier, en ont fait une personnalité de référence sur la Turquie. 

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