Visite de Laurent Fabius à Cuba : la liberté de l’information ne saurait être ignorée
Organisation :
En vue de la visite du ministre des Affaires étrangères français à Cuba, Reporters sans frontières lui adresse une lettre ouverte sur la situation de la liberté de l’information dans l’île. Lors de cette première visite officielle d’un membre du gouvernement français à Cuba depuis 1983, Laurent Fabius ne devra pas faire abstraction des atteintes à la liberté de l’information. Le réchauffement des relations entre les pays de l’Union européenne et Cuba ne doit pas se faire aux dépens des journalistes et des blogueurs.
Laurent Fabius
Ministre des Affaires étrangères
Ministère des Affaires étrangères
37, Quai d’Orsay
75351 Paris
Paris, le 10 avril 2014
Monsieur le ministre, Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de l’information, attire votre attention sur la très difficile situation des journalistes professionnels et non professionnels à Cuba. Ce pays, où toute presse indépendante traditionnelle comme numérique, est censurée, occupe la 170e position sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2014. Ne serait-ce que défendre le droit à l’information à Cuba est une mission compromise par l’action du gouvernement de Raúl Castro qui refuse de reconnaître la légitimité des organisations non gouvernementales, considérées d’emblée comme les complices de l’hégémonie nord-américaine. Trois journalistes et blogueurs cubains se trouvent actuellement incarcérés pour avoir diffusé des informations considérées “antirévolutionnaires” ou “calomnieuses” envers le régime castriste. En effet, si les coups de filet massifs du Printemps noir de 2003 ne sont plus d’actualité, les arrestations arbitraires n’ont jamais cessé de faire partie du quotidien des professionnels de l’information à Cuba. Plus de dix ans après l’arrestation des 75 journalistes, bibliothécaires et défenseurs des droits de l’homme, leur situation n’a pas connu d’amélioration réelle, comme en témoignent la détention du blogueur Ángel Santiesteban-Prats, en prison depuis maintenant plus d’un an, et de José Antonio Torres, ancien journaliste du quotidien officiel Granma, condamné à 14 ans d’incarcération en juillet 2012. Depuis le début de l’année 2014, plus de quinze journalistes ont été arrêtés pour de courtes durées, prétendument pour des contrôles d’identité. Reporters sans frontières a récemment appris avec indignation plusieurs arrestations arbitraires et actes d’intimidation commis par les autorités cubaines à l’encontre de deux journalistes et de leurs familles. Le 3 avril 2014, le journaliste et directeur de l’organisation de défense de la liberté de l’information et centre d’information en ligne Hablemos Press, Roberto de Jesús Guerra, a signalé sur les réseaux sociaux qu’il avait été détenu six heures par les services de l’immigration de l’aéroport international José Martí, où plusieurs livres et documents de travail lui ont été confisqués. Le journaliste revenait d’un voyage à l’étranger où il avait dénoncé les violations à la liberté de l’information à Cuba à la Commission interaméricaine des droits de l’homme et participé à un séminaire sur le journalisme indépendant à Mexico. Deux jours plus tard, sa sœur Sandra Guerra, sa fille de 12 ans et son neveu de 7 ans ont été interpellés par la police et retenus plusieurs heures. Le journaliste a indiqué à Reporters sans frontières qu’il était resté sans nouvelles des membres de sa famille pendant la durée de cette détention arbitraire. Particulièrement choquantes, ces arrestations sont symptomatiques du climat d’intimidation accablant dans lequel les journalistes sur l’île sont contraints d’exercer leur activité. Le 13 mars 2014, le blogueur indépendant de l’agence Yayabo Press Yoení de Jesús Guerra García a été condamné à sept ans de prison par le tribunal de la province de Sancti Spíritus, au centre de l’île. Détenu actuellement à la prison Nieves Morejón depuis octobre 2013, le blogueur a fait plusieurs fois les frais d’une violence policière tristement habituelle dans les centres de détention cubains. Sa sentence est tombée près d’un an et demi après l’interpellation du journaliste, un délai qui constitue une violation indéniable du droit fondamental de défense. Votre prochaine rencontre avec votre homologue cubain, Bruno Rodríguez Parrilla, ne saurait éluder ces enjeux majeurs de défense de la liberté de l’information. Au cœur des préoccupations de l’Union européenne depuis 2003, les graves exactions commises contre les acteurs de la presse et les net-citoyens doivent légitimement figurer à l’ordre du jour de votre dialogue. La France joue un rôle moteur sur la scène internationale, et notamment auprès des Nations unies, sur la question de la sécurité des journalistes. Le renouvellement des liens bilatéraux entre la France et Cuba ne saurait se faire aux dépens du respect du droit à l’information. En vous remerciant de l’attention que vous porterez à cette demande, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma très haute considération. Christophe Deloire,
Secrétaire général de Reporters sans frontières
Ministre des Affaires étrangères
Ministère des Affaires étrangères
37, Quai d’Orsay
75351 Paris
Paris, le 10 avril 2014
Monsieur le ministre, Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de l’information, attire votre attention sur la très difficile situation des journalistes professionnels et non professionnels à Cuba. Ce pays, où toute presse indépendante traditionnelle comme numérique, est censurée, occupe la 170e position sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2014. Ne serait-ce que défendre le droit à l’information à Cuba est une mission compromise par l’action du gouvernement de Raúl Castro qui refuse de reconnaître la légitimité des organisations non gouvernementales, considérées d’emblée comme les complices de l’hégémonie nord-américaine. Trois journalistes et blogueurs cubains se trouvent actuellement incarcérés pour avoir diffusé des informations considérées “antirévolutionnaires” ou “calomnieuses” envers le régime castriste. En effet, si les coups de filet massifs du Printemps noir de 2003 ne sont plus d’actualité, les arrestations arbitraires n’ont jamais cessé de faire partie du quotidien des professionnels de l’information à Cuba. Plus de dix ans après l’arrestation des 75 journalistes, bibliothécaires et défenseurs des droits de l’homme, leur situation n’a pas connu d’amélioration réelle, comme en témoignent la détention du blogueur Ángel Santiesteban-Prats, en prison depuis maintenant plus d’un an, et de José Antonio Torres, ancien journaliste du quotidien officiel Granma, condamné à 14 ans d’incarcération en juillet 2012. Depuis le début de l’année 2014, plus de quinze journalistes ont été arrêtés pour de courtes durées, prétendument pour des contrôles d’identité. Reporters sans frontières a récemment appris avec indignation plusieurs arrestations arbitraires et actes d’intimidation commis par les autorités cubaines à l’encontre de deux journalistes et de leurs familles. Le 3 avril 2014, le journaliste et directeur de l’organisation de défense de la liberté de l’information et centre d’information en ligne Hablemos Press, Roberto de Jesús Guerra, a signalé sur les réseaux sociaux qu’il avait été détenu six heures par les services de l’immigration de l’aéroport international José Martí, où plusieurs livres et documents de travail lui ont été confisqués. Le journaliste revenait d’un voyage à l’étranger où il avait dénoncé les violations à la liberté de l’information à Cuba à la Commission interaméricaine des droits de l’homme et participé à un séminaire sur le journalisme indépendant à Mexico. Deux jours plus tard, sa sœur Sandra Guerra, sa fille de 12 ans et son neveu de 7 ans ont été interpellés par la police et retenus plusieurs heures. Le journaliste a indiqué à Reporters sans frontières qu’il était resté sans nouvelles des membres de sa famille pendant la durée de cette détention arbitraire. Particulièrement choquantes, ces arrestations sont symptomatiques du climat d’intimidation accablant dans lequel les journalistes sur l’île sont contraints d’exercer leur activité. Le 13 mars 2014, le blogueur indépendant de l’agence Yayabo Press Yoení de Jesús Guerra García a été condamné à sept ans de prison par le tribunal de la province de Sancti Spíritus, au centre de l’île. Détenu actuellement à la prison Nieves Morejón depuis octobre 2013, le blogueur a fait plusieurs fois les frais d’une violence policière tristement habituelle dans les centres de détention cubains. Sa sentence est tombée près d’un an et demi après l’interpellation du journaliste, un délai qui constitue une violation indéniable du droit fondamental de défense. Votre prochaine rencontre avec votre homologue cubain, Bruno Rodríguez Parrilla, ne saurait éluder ces enjeux majeurs de défense de la liberté de l’information. Au cœur des préoccupations de l’Union européenne depuis 2003, les graves exactions commises contre les acteurs de la presse et les net-citoyens doivent légitimement figurer à l’ordre du jour de votre dialogue. La France joue un rôle moteur sur la scène internationale, et notamment auprès des Nations unies, sur la question de la sécurité des journalistes. Le renouvellement des liens bilatéraux entre la France et Cuba ne saurait se faire aux dépens du respect du droit à l’information. En vous remerciant de l’attention que vous porterez à cette demande, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma très haute considération. Christophe Deloire,
Secrétaire général de Reporters sans frontières
Publié le
Updated on
20.01.2016