Violences au Pakistan : des journalistes attaqués, une radio incendiée, l’information bâillonnée
Plusieurs journalistes et organes de presse ont été visés par des violences commises dans le cadre des manifestations qui secouent actuellement le Pakistan, à la suite de l’arrestation de l’ex-Premier ministre Imran Khan. Reporters sans frontières (RSF) demande aux organisateurs de ces mouvements, ainsi qu’aux autorités civiles et militaires, de laisser les journalistes travailler librement dans un esprit de respect du pluralisme.
“Il est absolument crucial, pendant les soubresauts que connaît actuellement le Pakistan, que les journalistes puissent travailler librement afin de fournir une information fiable, libre et indépendante à leurs concitoyens et au monde. Nous appelons les cadres du parti d’Imran Khan à donner des consignes claires de respect de la liberté de la presse à leur troupes. En parallèle, RSF enjoint le gouvernement civil de Shehbaz Sharif, tout comme le chef d’état-major des armées Asim Munir, à respecter le pluralisme des vues et à laisser les médias couvrir ces événements historiques.
Studios dévastés, micros calcinés, bandes magnétiques parties en fumée… C’est le bilan provisoire de la violente attaque qui a visé, hier mercredi 10 mai, les locaux de la radio d’État Radio Pakistan dans la ville de Peshawar, la capitale de la province septentrionale du Khyber-Pakhtunkhwa.
Ce sont environ 200 manifestants qui ont franchi, dans la matinée, le portail du bâtiment abritant les bureaux de la station. Son directeur général, Ijaz Khan, a décrit dans un communiqué comment ils ont rapidement saccagé la réception avant de détruire le mobilier de plusieurs studios.
Enregistrements en cendres
Vers midi, gonflée de plusieurs centaines d’individus, la foule a lancé un nouvel assaut, cette fois en incendiant le bâtiment, détruisant notamment du matériel informatique et réduisant en cendres des enregistrements historiques de la station. Trois véhicules postés dans la cour ont également été incendiés. Un salarié de la station a été transféré à l’hôpital pour des brûlures sérieuses.
La veille, toujours à Peshawar, des manifestants violents s’en sont pris aux journalistes qui tentaient de couvrir leur mouvement. Les véhicules de transmission par satellite de Dawn News TV, Aaj News, Khyber News et Express News ont été pris pour cible, essuyant des jets de pierre et des attaques au bâton.
Le camion de Dawn News TV a été partiellement détruit, et l’un de ses occupants, le journaliste Arif Hayat, a été blessé par des éclats de verre. Le correspondant d’Express News, Vishal Khan, a, quant à lui, été attaqué par des manifestants.
Blocage des réseaux Internet
Ces mouvements de protestation sont intervenus au lendemain de l’arrestation, mardi 9 mai, de l’ancien Premier ministre Imran Khan, qui a gouverné le pays de 2018 à 2022. Les partisans de son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI, Mouvement du Pakistan pour la justice) se sont rapidement rassemblés dans les rues des grandes villes du pays pour manifester leur colère. Avant de s’en prendre violemment aux symboles du pouvoir civil et militaire à partir du mercredi 10 mai.
RSF a condamné le blocage de plusieurs réseaux sociaux et le ralentissement drastique des flux Internet décidés le même jour par le régulateur des télécoms, dépendant du gouvernement.
Accès interdits
En parallèle, au moins deux journalistes de médias considérés comme proches du PTI d’Imran Khan se retrouvent visés par des actions de la police. Imran Riaz Khan, le présentateur de la chaîne Bol News a été arrêté ce matin, jeudi 11 mai, à l’aéroport de Sialkot, dans l’est du pays, officiellement pour incitation à la violence contre des agents dépositaires de l’ordre public.
Quasiment en même temps, le présentateur de la chaîne Samaa TV Aftab Iqbal a été interpellé à son domicile de Lahore – information confirmée quelques heures plus tard par la fille du journaliste sur Twitter.
Alors que la Cour suprême a déclaré, ce jeudi, en fin de journée, l’arrestation d’Imran Khan “invalide”, la colère de la rue ne semble pas s’éteindre. Des militaires ont été déployés sur les grandes artères de la capitale, Islamabad, et dans plusieurs grandes villes, bloquant l’accès aux journalistes.