Une trentaine de médias suspendus à quelques jours de l'élection présidentielle
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A une semaine de l'élection présidentielle, qui se tiendra le 9 août prochain, le pouvoir rwandais montre de manière flagrante son refus de se soumettre au jeu démocratique. Emprisonnement de journalistes, fermeture de médias, assassinat d'un rédacteur en chef il y a un mois, les exactions contre la presse s'intensifient à l'approche du scrutin.
La dernière initiative liberticide remonte au 26 juillet 2010, lorsque le Haut Conseil des médias, organe de régulation rwandais, a annoncé sa décision de suspendre une trentaine d'organes de presse.
Dans un communiqué, Patrice Mulama, sécretaire exécutif du Haut Conseil des médias a donné la liste des 19 radios et des 22 journaux reconnus par le pouvoir en place et "remplissant les conditions de diffusion et d'émission prévues par la loi régissant les médias du 12 août 2009". Ce texte prévoit dans son article 96 que les organes de médias écrits et audiovisuels doivent, dans un délai de trois mois, adresser au Haut Conseil des médias une demande d'autorisation de lancement, prévue par l'article 24.
Les plus grands journaux du pays, tels qu'Umuseso, Umuvugizi, Umurabayo, et plusieurs radios, parmi lesquelles Voice of Africa Rwanda (la radio des musulmans) et Voice of America, sont ainsi rayés du paysage médiatique.
Selon le secrétaire exécutif, les journaux ne pourront pas reparaître tant qu'ils ne se seront pas conformés à la loi. Les radios, quant à elles, ont jusqu'à la fin de la semaine pour rassembler les documents nécessaires.
Le 28 juillet, le Haut Conseil des médias a diffusé un nouveau communiqué appelant, cette fois-ci, les forces de sécurité à fermer les journaux et à couper le signal des radios dans l'illégalité. Le jour même, les forces de l'ordre ont saisi Rwanda Newsline, journal édité en anglais par Rimeg (Rwanda Independent Media Group), au motif qu'il n'est pas reconnu au Rwanda.
"Les mesures du Haut Conseil, qui tombent en pleine campagne électorale et à quelques jours du scrutin, sont plus que suspectes. Elles sont destinées à verrouiller la presse et à empêcher les journalistes de jouer le rôle qui leur incombe, à savoir celui d’observateurs indépendants et impartiaux du processus électoral. Comment une élection peut-elle se tenir normalement sans presse libre, sans possibilité pour l’électorat d’accéder à une information indépendante, sans pouvoir suivre un débat contradictoire ? Nous n’assistons pas à une élection présidentielle ouverte, mais à l’orchestration de la reconduite de Paul Kagame dans ses fonctions", a déclaré l'organisation.
Signe de la volonté du gouvernement de mettre la presse en coupe réglée, le secrétaire exécutif du Haut Conseil des médias a affirmé que le journalisme rwandais devait retrouver « la raison » et que la loi visait à restaurer la crédibilité de la profession, qu’il qualifie de « décharge publique ".
L’organisation rappelle qu’elle avait demandé à l’Union européenne de suspendre son financement à l'élection présidentielle. Voir le précédent communiqué .
Reporters sans frontières rappelle également qu'Agnès Uwimana Nkusi et Saidat Mukakibibi, respectivement directrice et journaliste au bimensuel privé Umurabyo, ont été placées en détention provisoire, le 20 juillet 2010. Elles sont poursuivies pour "outrage au chef de l'Etat", "incitation à la désobéissance civile" et "négation du génocide Tutsis".
Le Rwanda occupe la 157e place, sur 175 pays, du classement mondial 2009 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Après l’Erythrée, la Somalie, et la Guinée équatoriale, il est le quatrième pays africain le moins bien classé.
Depuis plusieurs années, le chef de l’Etat, Paul Kagame, figure dans la liste des prédateurs de la liberté de la presse dressée par Reporters sans frontières.
Publié le
Updated on
20.01.2016