Une journaliste afghane menacée par un mollah intégriste pour avoir dénoncé le non-respect du confinement
Reporters sans frontières (RSF) demande la mise sous protection de la journaliste et militante des droits des femmes Vida Saghari, menacée et harcelée par un mollah fondamentaliste, après avoir critiqué l’organisation d’un rassemblement religieux pendant le confinement.
Une photo et un commentaire auront suffit à déclencher la vindicte d’un mollah fondamentaliste. Comme de nombreux autres internautes, la journaliste Vida Saghari a publié sur Facebook la photo d’une centaine de fidèles rassemblés dans la ville d’Herat à l’occasion du premier jour du ramadan, le 1er mai dernier. Ils avaient répondu à l’appel d’un imam de ville, Mujib Alrahman Ansari, selon qui « le coronavirus est pour les mécréants, pas pour les musulmans ». Et ce en dépit de l’ordre de confinement et l’interdiction des cérémonies religieuses décrétés par les autorités pour enrayer la propagation du coronavirus.
Ce rassemblement a provoqué un tollé d’autant plus grand que la ville d’Herat est l’épicentre de l’épidémie de Covid-19 en Afghanistan et que le virus y a déjà fait des ravages. C’est aux nombreuses victimes de l’épidémie que la journaliste et militante des droits des femmes Vida Saghari a d’ailleurs fait référence dans son commentaire qui suggérait de “Demander aux fossoyeurs de creuser une tombe pour le mollah Mujib Alrahman Ansari, cet ignorant seigneur de la peste qui veut faire mourir les gens.” Le post précisait également que “les peuples ont un cerveau normal” et que les dirigeants qui les guident se doivent “d’être responsables”.
La réplique n’a pas tardé. Quelques heures plus tard, l'imam Mujib Alrahman Ansari, s’est à son tour fendu d’un post sur Facebook pour violemment s’en prendre à la journaliste: « Qui tient la laisse de Vida Saghari, cette femme qui se présente comme une militante de la société civile à Kaboul ? Pardonnez-moi, je vais être insultant à son égard. Elle est malpolie et mal voilée, des mots laids sortent de sa bouche, et des témoins disent qu’elle se prostitue (…) Ces jours-ci, elle a écrit plusieurs fois sur moi et sur les musulmans, affirmant que nous ne devons plus prier ensemble, car nos rassemblements vont propager le coronavirus. Vida Saghari est plus dangereuse que le virus. »
Ces propos ont donné le coup d’envoi d’une violente campagne de cyber harcèlement. La journaliste est depuis victime de propos haineux, d’insultes et de menaces de mort relayés sur les réseaux sociaux par les adeptes de l’iman fondamentaliste.
Mujib Alrahman Ansari est coutumier de ce type de propos rétrogrades et misogynes. En janvier 2020, le responsable religieux avait créé un « comité pour l’ordonnance du bien et l’interdiction du mal », visant à faire appliquer la Charia à Herat. Ce comité s’intéresse surtout aux femmes, prônant le port du voile et l’interdiction de travailler en dehors de la maison. Lors d’une conférence de presse organisée le 16 janvier dernier, il avait interdit la présence de femmes journalistes, estimant que « l’islam ne permet pas aux femmes d’être présentes au travail au côté des hommes. »
« Face aux agissements des intégristes et aux menaces contre la liberté de la presse garantie par la constitution, le silence des autorités afghanes est inacceptable, dénonce Reza Moini, responsable du bureau d’Afghanistan/ Iran de RSF. Que l’on apprécie ou pas les critiques émises par Vida Saghri, les harcèlements et les attaques dont elle est victime sont tout simplement inacceptables et tout doit être mis en oeuvre pour assurer sa protection.»
Le centre afghan pour la protection des femmes journalistes (CPAWJ), qui demande également de mettre en oeuvre des mesures de protection, rappelle par ailleur que plus de 20% des femmes journalistes ont perdu leur emploi depuis le début du confinement.
L’Afghanistan se situe à la 122e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.