Une dizaine de journalistes ont été blessés ou agressés depuis le 27 février, premier jour des manifestations organisées par l'opposition pour exiger la mise en place d'un référendum sur le départ du président Hugo Chávez. Reporters sans frontières demande l'ouverture d'enquêtes et appelle au calme.
Depuis le 27 février, une dizaine de journalistes de la presse privée ont été blessés ou agressés, le plus souvent par les forces de l'ordre. Ces actes lamentables sont survenus lors de la répression des violentes manifestations organisées par l'opposition, à Caracas et en province, pour exiger la mise en place d'un référendum sur le départ du président Hugo Chávez.
Reporters sans frontières proteste contre ces violences. "Si des médias prennent parti contre le président Chávez, parfois de façon outrageuse, cela ne peut en aucun cas justifier l'usage de la violence contre leurs reporters", a déclaré l'organisation. Cette dernière demande aux autorités de condamner ces attaques et d'ouvrir une enquête sur chacune d'entre elles. Alors que les affrontements ont fait six morts, Reporters sans frontières appelle les parties au calme et à ne pas faire usage de la violence.
En 2003, l'organisation avait recensé plus de 80 cas d'agressions et de menaces. La plupart visaient la presse opposée au gouvernement et ont été commises lors de la grève générale décrétée par l'opposition de décembre 2002 à début février 2003.
Le 2 mars 2004, Juan Carlos Aguirre, reporter de la chaîne de télévision CMT, a été frappé à plusieurs reprises à coups de crosse de fusil par des éléments de la Garde nationale (gendarmerie) qui s'étaient aperçus que le journaliste et son cameraman prenaient des images de la répression policière d'une manifestation. La caméra a été saisie. Le même jour, Paula Andrea Jiménez, de la chaîne Televén, aurait été mise en joue par des sympathisants du gouvernement.
Le 1er mars, Janeth Carrasquilla, correspondante de la chaîne Globovisión à Valencia (Etat de Carabobo), a été blessée au visage par une pierre alors qu'elle couvrait la confrontation entre manifestants de l'opposition et forces de l'ordre. Le même jour, à Caracas, Johnny Ficarella, également de la chaîne Globovisión, a été projeté à terre par une grenade lacrymogène reçue en plein thorax. Dans le quartier de Baruta, le véhicule d'une équipe de Globovisión a été attaqué à coup de pierres et de bâtons par des sympathisants du gouvernement. Emmenée par la journaliste Carla Angola, l'équipe a alors dû quitter la zone. Plus tôt dans la journée, Edgar López et Henry Delgado, reporter et photographe du quotidien El Nacional, avaient été frappés par des membres de la Garde nationale alors qu'ils s'apprêtaient à couvrir les violences commises dans le quartier de Terrazas de Ávila (est de Caracas). Les deux journalistes étaient parvenus à prendre la fuite mais leur véhicule avait été attaqué par des partisans du Président.
Le 29 février, Felipe Izquierdo, correspondant au Venezuela d'Univisión, une chaîne hispanophone basée aux Etats-Unis, a été blessé par balle au pied alors qu'il couvrait les violences entre forces de l'ordre et résidents du quartier d'Altamira (nord-est de Caracas). L'origine du tir reste inconnue. Selon l'association de défense de la liberté de la presse IPYS (Instituto Prensa y Sociedad, basée à Lima - Pérou), Bernabé Rodríguez, photographe du quotidien El Tiempo, publié à Puerto Cruz (nord-est du pays), a été blessé au visage par un cocktail Molotov alors qu'il couvrait une confrontation entre manifestants de l'opposition et forces de l'ordre.
Le 27 février, lors de la première journée de manifestation organisée par l'opposition, Luis Wladimir Gallardo, correspondant à Caracas du quotidien El Impulso, a été blessé au visage par des tirs de chevrotine, vraisemblablement de la Garde nationale. Par ailleurs, Carlos Montenegro, de la chaîne Televén, a été blessé par balle à la jambe gauche et Berenice Gómez, du quotidien Ultimas Noticias, frappée par des partisans présumés du gouvernement.
L'opposition vénézuélienne a appelé ses partisans à descendre dans la rue le 27 février lorsque le Conseil national électoral (CNE) a remis en cause la validité de plus d'un million de signatures qu'elle avait collectées pour obtenir l'organisation d'un référendum sur le départ du président Chávez.
Dans un communiqué publié le 2 mars, un groupement d'organisations vénézuéliennes, dont l'association de défense des droits de l'homme Provea, ont condamné "l'usage disproportionné de la force de la part de la Garde nationale et de la DISIP (police politique)" lors de la répression des manifestations. Elles ont également dénoncé les comportements des forces de police de municipalités contrôlées par l'opposition "pour leur participation directe dans la construction de barricades" et "pour le manque à leur devoir de garantir la sécurité". Les ONG ont également demandé aux médias de "promouvoir la tolérance et la vie en société et de s'abstenir de publier des communiqués anonymes et des appels à la violence".
Dans un rapport publié en avril 2003, Reporters sans frontières concluait que "la situation de la liberté de la presse est devenue des plus délicates depuis que la majorité de la presse privée a pris ouvertement parti contre le gouvernement. Bien que ce soit son droit le plus indiscutable, les excès auxquels son parti pris l'a conduite fragilisent la liberté de la presse (…) A noter que la chaîne publique est tombée dans les mêmes excès, voire pire," soulignait le rapport avant de préciser : "Mais la principale responsabilité dans la dégradation de la situation de la liberté de la presse revient au président Hugo Chávez et à son gouvernement."