Un mois de mars meurtrier pour les journalistes au Mexique
Avec deux tentatives d’assassinat et trois meurtres de journalistes pour le seul mois de mars 2017, le Mexique est plus que jamais un territoire hostile pour la presse. Reporters sans frontières (RSF) tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme et appelle le président Peña Nieto à trouver une solution durable à cette tragique situation.
Face à la flambée des violences constatées tout au long du mois de mars, RSF s’associe à la presse mexicaine afin d’exhorter le gouvernement à prendre des mesures fermes pour enrayer cette spirale mortifère.
Le mardi 28 mars, des individus armés ont fait irruption au domicile du journaliste indépendant Julio Omar Gómez Sánchez, dans la ville de Cabo San Lucas en Basse-Californie du Sud (nord du pays). Gómez Sánchez et sa famille sont sortis indemnes de l’attaque mais le garde du corps affecté à sa sécurité, qui s’est interposé et s’est battu avec les agresseurs, est décédé. Gómez Sánchez bénéficiait du Mécanisme fédéral de protection des journalistes depuis le mois de décembre 2016, après l’incendie criminel de son domicile.
Il était jusqu’en 2016 directeur du site d'informations 911 Noticias, sur lequel il dénonçait régulièrement les abus des autorités locales, la corruption et le narcotrafic, particulièrement présents dans cet Etat du Mexique. Il avait récemment renoncé à poursuivre ses activités journalistiques après avoir été visé par plusieurs autres attaques.
“RSF réitère la demande formulée aux membres du Mécanisme de protection de renforcer en urgence les mesures de sécurité de Gómez Sánchez”, déclare Emmanuel Colombié, responsable du Bureau Amérique latine de l’organisation.
Selon les informations transmises par les autorités fédérales, Gómez Sánchez aurait temporairement déjà quitté la région pour se mettre à l’abri.
Le 29 mars, Armando Arrieta Granados, directeur de la rédaction du journal La Opinión, a lui aussi été victime d’une tentative d’assassinat dans la ville de Poza Rica (Etat du Veracruz). Selon les informations obtenues par RSF, Armando Arrieta Granados s'est fait tirer dessus alors qu'il sortait du travail par des hommes armés. Il est actuellement à l’hôpital dans un état grave. Arrieta Granados est un professionnel aguerri et a passé la majorité de ses 28 ans de carrière de journaliste au journal La Opinión.
En avril 2005, le directeur du journal Raúl Gibb Guerrero avait été assassiné devant la porte de son domicile. Il fait partie des 20 journalistes tués au Veracruz depuis 2000.
“Le climat de terreur dans lequel sont plongés les journalistes mexicains ne peut perdurer, ajoute Emmanuel Colombié. Le crime organisé et la corruption rendent le travail d’information impossible, et condamnent les journalistes à la censure et au silence. Il est du ressort des autorités fédérales de s’attaquer durablement au problème, de renforcer les mécanismes de protection déjà en vigueur et de rappeler le rôle fondamental de la presse dans un pays démocratique”.
Ces deux tentatives d’assassinat surviennent en effet à peine quelques jours après la mort de Miroslava Breach, le 23 mars dans l’Etat du Chihuahua. Cette journaliste de 54 ans, qui travaillait pour les journaux La Jornada et Norte de Juarez, a été tuée de plusieurs balles à l’intérieur de son véhicule. Elle a succombé à ses blessures lors de son transfert à l’hôpital. Elle couvrait les sujets liés au crime organisé à la corruption, et venait de publier un article sur un conflit armé entre deux leaders d’un groupe criminel lié au cartel de Juarez.
Miroslava est déjà la troisième journalistes tuée au Mexique depuis le début de l’année, après Cecilio Pineda Birto le 2 mars à Ciudad Altamirano (état du Guerrero), et Ricardo Monlui, abattu par balles le dimanche 19 mars dans la municipalité de Yanga (proche de la ville de Córdoba, état de Veracruz)
Le Mexique est 149e sur 180 au Classement mondial sur la liberté de la presse établi par RSF en 2016. Dans son rapport intitulé: “Veracruz, les journalistes face à l’état de peur”, dévoilé le 2 février 2017, RSF revient en détails sur la difficulté d’exercer le travail de journaliste au Mexique, et propose une série de recommandations aux autorités fédérales et locales pour stopper cette spirale de violence.