Reporters sans frontières exprime son inquiétude en apprenant le sort d'Alexander Guerrero, du quotidien régional Magangué Hoy, obligé de quitter le département de Bolívar (Nord), le 15 janvier 2008. L'organisation rappelle que six journalistes ont dû fuir le pays ou leur région en 2007. La menace pèse lourdement sur la presse, en particulier en province.
Reporters sans frontières a appris avec inquiétude le départ forcé d'Alexander Guerrero, du quotidien local Magangué Hoy, à Magangué (Bolívar, Nord), le 15 janvier 2008, après avoir été alerté d'un plan pour l'éliminer. L'organisation déplore aussi les menaces de mort répétées dont ont été victimes, pendant la même période, Humberto Bedoya Henao, de la radio Ondas del Meta, à Villavicencio, et Clodomiro Castilla Ospino, directeur du magazine Pulso del Tiempo et animateur de la station Voz de Montería dans la ville du même nom (Nord-Ouest). Les trois journalistes ont récemment dénoncé des affaires de corruption ou d'abus de pouvoir impliquant des fonctionnaires municipaux.
“Sept journalistes colombiens ont dû quitter leur région ou le pays en 2006, six ont fait de même en 2007. A combien d'exils forcés faut-il s'attendre en 2008 ? La corruption et les proximités, supposées ou avérées, d'un certain nombre de fonctionnaires régionaux avec le paramilitarisme rendent quasi impossible l'exercice de la profession. Certes, les journalistes menacés bénéficient de la vigilance du ministère de l'Intérieur. L'effort de protection en leur faveur ne doit cependant pas servir d'écran, et moins encore d'excuse, pour laisser les affaires sensibles là où les journalistes les ont laissées. La protection n'est rien sans la lutte contre l'impunité et la restauration de l'État de droit”, a déclaré Reporters sans frontières.
Alexander Guerrero a été la cible d'intimidations répétées depuis qu'il a rendu compte, le 31 décembre 2007, du pillage du bureau central de la mairie par des partisans de l'ancien maire, Jorge Luis Alfonso López, poursuivi puis acquitté pour des malversations et du blanchiment d'argent et dont la famille aurait apparemment des liens avec certains paramilitaires. Le 1er janvier, alors que le journaliste avait transmis des images du saccage de la mairie aux correspondants des chaînes nationales Caracol et RCN, un des garde du corps de Jorge Luis Alfonso López l'a appréhendé dans la rue et l'a menacé de mort. Quatre jours plus tard, Alexander Guerrero s'est aperçu qu'il était surveillé par des individus circulant à moto, stationnés devant sa résidence. Le maire actuel de Magangué, Anuar Arana Gechem, qui comptait nommer Alexander Guerrero à la tête de son service de presse, l'a averti plus tard qu'un contrat était lancé sur sa tête et qu'il serait assassiné avant le 18 janvier. Le 15, le journaliste a dû se résoudre à quitter la ville sous escorte policière.
Par ailleurs, Humberto Bedoya Henao, directeur du programme d'information “Hechos y Opiniones” sur la station Ondas del Meta, à Villavicencio (Centre), a été menacé de mort par téléphone, le 22 janvier 2008. L'interlocuteur anonyme a invité le journaliste à assister à son propre enterrement. L'intimidation s'est produite quelques heures après les révélations par le journaliste d'une passation frauduleuse de marché public entre la mairie et l'entrepreneur Leonardo Pérez. Le journaliste avait déjà fait l'objet de menaces, en octobre 2007, après avoir rendu public le casier judiciaire d'un candidat à la municipalité de Villavicencio. Selon la Fédération colombienne des journalistes (FECOLPER), la situation de Humberto Bedoya Henao a été portée à la connaissance du ministère de l'Intérieur et de la Justice.
Enfin, le 17 janvier 2008, Clodomiro Castilla Ospino, collaborateur de l'émission “Bloque Radial” sur la radio Voz de Montería et directeur du magazine Pulso del Tiempo, a signalé à l'antenne de W Radio avoir reçu des menaces de mort, dont la dernière attribuée au colonel Francisco Miranda, un haut gradé de la police locale. Le journaliste a fait le lien entre ces menaces et ses récentes enquêtes sur des cas de détournement de fonds publics par des fonctionnaires soupçonnés d'accointances avec des paramilitaires. Le ministère de l'Intérieur et de la Justice a octroyé une protection à Clodomiro Castilla Ospino.