Un an après, l’impunité en voie de triompher
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Un an après les faits, aucun progrès majeur n’a été réalisé dans l’enquête sur l’enlèvement et l’assassinat de Natalia Estemirova, le 15 juillet 2009. L’impunité qui prévaut pour les violences contre les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme en Russie semble sur le point de triompher à nouveau. Reporters sans frontières joint sa voix à celle des membres de Memorial, et demande aux responsables de l’investigation d’envisager plusieurs pistes, notamment celles liées à l’activité de défenseure des droits de l’homme de Natalia Estemirova.
Non seulement aucun suspect n’a été à ce jour identifié et des questions clés restent sans réponses, mais les collègues de Natalia Estemirova craignent de plus que ce crime odieux ne soit imputé à un boïevik (combattant de la guérilla tchétchène) décédé, mettant ainsi un point final à tout espoir d’élucidation de son assassinat.
Alexandre Tcherkassov, membre de l’ONG Memorial, pour laquelle travaillait Natalia Estemirova, s’inquiète que les enquêteurs n’explorent qu’une seule piste, celle d’un crime prémédité par des boïeviki, afin de compromettre le président de la Tchétchénie, Ramzan Kadyrov.
La presse russe (The New Times, Kavkazski Uzel) a en effet récemment fait état d’une information, non confirmée à ce jour, selon laquelle les forces de l’ordre pourraient faire porter la responsabilité de l’assassinat à Alkhazour Bachaev, l’un des recruteurs de combattants en Tchétchénie, abattu en novembre 2009.
Comme le souligne Alexandre Tcherkassov, l’enquête serait ainsi considérée élucidée. Un procès de Bachaev ne pourrait se tenir et la piste d’une implication des autorités serait écartée. Selon une information de Svetlana Gannoushkina, les éléments les plus compromettants pour l’ancien boïevik sont la découverte par les forces de l’ordre d’une cache dans laquelle se trouvait l’arme ayant abattu Natalia Estemirova, ainsi qu’une fausse carte du ministère de l’Intérieur portant une photographie d’Alkhazour Bachaev.
Les autres pistes ne sont plus examinées, en particulier, celle impliquant des représailles de la part des membres de la division du ministère de l’intérieur (ROVD) du district de Kourchaloi (Tchétchénie), dont Natalia Estemirova avait dénoncé l’implication dans l’exécution extrajudiciaire de Rizvan Albekov, le 7 juillet 2009. Pourtant la défenseure des droits de l’homme avait fait part de son inquiétude à ce sujet quelques jours seulement avant son enlèvement et son assassinat.
Pendant ce temps, Memorial fait l’objet de nouvelles poursuites de la part de Ramzan Kadyrov. Oleg Orlov qui avait imputé la responsabilité politique de la mort de Natalia Estemirova au président tchétchène est poursuivi pour diffamation par ce dernier. Il a déjà été condamné en octobre 2009 à lui verser 20 000 roubles (450 euros) pour « atteinte à l’honneur ». Le 8 juillet, Memorial a exprimé son inquiétude après que ses employés ont été qualifiés d’ « ennemis du peuple, ennemis de la loi et ennemis de l’Etat » à la télévision tchétchène, le 3 juillet, par le président tchétchène. Peu avant son assassinat, Natalia Estemirova avait elle aussi était désignée par ces termes par le chef de l’exécutif local.
Natalia Estemirova était une collaboratrice renommée de l’ONG Mémorial. Ancienne journaliste, elle dénonçait avec courage les violations des droits de l’homme en Tchétchénie. Elle avait contribué à la couverture du conflit. Lauréate de nombreux prix, elle avait également été nominée pour le Prix Sakharov décerné par le Parlement européen, en 2004. Elle a été enlevée le 15 juillet 2009 à Grozny et retrouvée morte, quelques heures plus tard, dans la république voisine d’Ingouchie.
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Updated on
20.01.2016