Turquie : un journaliste assassiné par l’un de ses auditeurs qui n’appréciait pas ses propos
Le présentateur d’une émission radio, Hazım Özsu, a été abattu par un de ses auditeurs qui lui reprochait certains commentaires “liées aux valeurs sacrées”. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une banalisation de l'intolérance envers les journalistes en Turquie et appelle la justice à les protéger.
Dans la nuit du 9 mars, un homme armé a ouvert le feu sur le présentateur d’une émission de la radio Rahmet FM, Hazım Özsu, devant son domicile de la ville de Bursa (nord-ouest du pays) avant de prendre la fuite. Transporté à l’hôpital, le journaliste, âgé de 46 ans, qui a été atteint à la gorge, est décédé quelques heures plus tard des suites de ses blessures.
Le tueur présumé, Halil Nalçaci, a été interpellé six jours plus tard à son domicile par la police de Bursa après avoir été identifié grâce à l’analyse de plus de 300 enregistrements de caméras de surveillance situées, notamment, dans le quartier où vivait le journaliste avec sa mère. Lors de sa première audition Halil Nalçacia a déclaré avoir agi ainsi car il n’appréciait “pas certaines expressions liées aux valeurs sacrées en période de Covid-19” qu’Hazım Özsu utilisait lors de ses émissions. Il a également affirmé avoir déjà “appelé dans le passé la radio pour les avertir. Mais ils ne m’ont pas pris au sérieux et ont répété ces erreurs.” Expliquant être “furieux”, il s’est rendu au domicile du présentateur: “Arrivé devant chez lui, j’ai dit à la personne qui a ouvert la porte que j’étais un ami et que je souhaitais le voir. Lorsqu’il est descendu, je lui ai dit ‘désormais, je te fais taire’, j’ai pointé mon arme sur lui et tiré au niveau de sa gorge. Je voulais viser sa jambe mais le coup est parti à ce niveau. Je suis désolé”.
“Nous redoutions qu’un tel drame se produise, tant l'intolérance envers les journalistes a été banalisée par le pouvoir, déplore le représentant de RSF en Turquie, Erol Onderoglu. Aussi longtemps que le gouvernement turc alimentera la polarisation de la société, et que rien ne sera entrepris pour mettre un terme à la violence politique et à l’impunité qui règnent, les journalistes ne pourront pas se sentir en sécurité dans le pays.”
Déjà condamné pour “blessures avec arme à feu”, Halil Nalçaci a été écroué le 16 mars pour homicide avec préméditation.
D’après le partenaire de RSF en Turquie, le site Bianet, 139 journalistes ont fait l’objet d’attaques ces cinq dernières années dans le pays. Le dernier journaliste à avoir été assassiné était le directeur de l’information de la chaîne locale Marmara TV et directeur de la publication du journal Güney Maramara Yasam (Vie au Sud de Marmara), Cihan Hayirsevener, en 2009. Il avait été tué de trois balles le 18 décembre 2009. Les commanditaires et exécutants de cet assassinat avaient été condamnés à de lourdes peines de prison.
La Turquie occupe le 154e rang sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.