Turquie : un éditorialiste attaqué à coups de battes de baseball, ses agresseurs en liberté
Reporters sans frontières (RSF) condamne fermement la violente agression de l’éditorialiste d’opposition Yavuz Selim Demirağ, le 10 mai à Ankara. L’organisation appelle les autorités à ne pas laisser cette attaque impunie et à mettre fin au climat de haine contre les voix critiques qui prévaut dans le pays.
C’était une attaque soigneusement planifiée : Yavuz Selim Demirağ a été frappé à coups de battes de baseball par six ou sept individus, devant son domicile d’Ankara, dans la nuit du 10 au 11 mai 2019. L’éditorialiste du quotidien nationaliste Yeni Çag rentrait chez lui après avoir participé à une émission télévisée. Il a été hospitalisé avec de graves blessures au crâne.
Le procureur a rapidement remis en liberté conditionnelle les six suspects appréhendés par la police, au motif que “l’état de santé de la victime ne présentait pas de danger vital”. Le chef d’accusation retenu à leur encontre, “coups et blessures”, semble consacrer leur version des faits, à savoir une dispute entre automobilistes.
“Cette agression révoltante vise la liberté de la presse et contribue à renforcer le climat d’intimidation dans le pays, souligne Erol Önderoğlu, représentant de RSF en Turquie. Il est incompréhensible que la justice, si prompte à jeter les journalistes en prison, semble plus clémente avec leurs agresseurs. L’impunité fait le lit de nouvelles attaques : nous appelons les autorités à y mettre fin, et à mettre un terme au climat de haine contre les voix critiques.”
Les attaques contre les journalistes restent souvent impunies en Turquie. Malgré l’ouverture formelle d’une enquête, aucune mesure n’a par exemple été prise contre les policiers et les militants du parti au pouvoir AKP qui avaient violemment agressé douze journalistes à Midyat, dans le sud-est du pays, en juin 2016. Plusieurs journalistes avaient dû être hospitalisés, mais ce n’est que huit mois plus tard que le parquet leur a demandé un rapport de la médecine légale.
La Turquie occupe la 157e place sur 180 pays au Classement mondial 2019 de la liberté de la presse établi par RSF. Sur fond de démantèlement de l’état de droit, la situation des médias est devenue particulièrement critique depuis la tentative de putsch de juillet 2016. Le pays détient le record mondial du nombre de professionnels des médias emprisonnés.