Turquie : RSF exhorte la justice à faire toute la lumière sur le meurtre du journaliste Güngör Arslan
Alors que s’ouvre le procès du meurtre du journaliste turc Güngör Arslan, Reporters sans frontières (RSF) appelle la justice à faire toute la lumière sur ce crime abominable et à s’assurer que ses auteurs répondent de leurs actes. En Turquie, où deux journalistes ont été tués en 12 mois, les autorités doivent immédiatement prendre des mesures pour faire cesser l’impunité et endiguer la violence croissante des politiciens et des groupes criminels envers les professionnels des médias.
La première audience du procès pour le meurtre du journaliste Güngör Arslan, qui travaillait pour le site Ses Kocaeli, s’est tenue le 6 septembre. Güngör Arslan, 60 ans, a été abattu le 19 février 2022 à son domicile à Izmit, capitale de la province de Kocaeli située à 100 km à l’est d’Istanbul. Il est le deuxième journaliste à avoir été assassiné en 12 mois. Avant l’exécution d’un présentateur radio en mars 2021, aucun journaliste n’avait été tué en lien avec son activité depuis 2009 en Turquie.
“Nous condamnons fermement le meurtre de Güngör Arslan et l’inquiétante augmentation générale de la violence envers les professionnels des médias en Turquie. Nous exhortons le tribunal à faire toute la lumière sur tous les aspects de ce meurtre et à s’assurer que ses auteurs passent au plus vite devant la justice. Nous appelons également les autorités turques à prendre des mesures immédiates pour faire cesser l’impunité qui entoure ces crimes et améliorer le climat de sécurité pour les journalistes de l’ensemble du pays.
À la suite de l’assassinat du journaliste, la police a identifié 14 suspects, dont le tueur à gages de 21 ans, Ramazan Özkan, et Ersin Kurt, un avocat qui aurait offert de l’argent à ce dernier pour exécuter le contrat. Dix des suspects ont été arrêtés pour “homicide volontaire et prémédité”, “incitation au meurtre”, “complicité de meurtre”, et “aide au criminel et dissimulation de preuves”.
La première audience de l’affaire, qui avait été décidée en juin, s’est tenue au tribunal correctionnel de grande instance de Kocaeli. La cour a décidé de libérer 4 des 10 suspects détenus. L’épouse de Güngör Arslan, Suna Arslan, a déclaré : “Güngör Arslan était juste un journaliste. Il travaillait sur toutes les connexions de cette ville. La seule chose que je souhaite dire est que nous avons affaire à un meurtre de journaliste : il y a d’autres personnes derrière.”
Güngör Arslan avait récemment publié une série d’articles accusant Ersin Kurt de violer la loi sur la conduite professionnelle des avocats en acceptant un contrat municipal d’Izmit. Ersin Kurt est proche du MPH, un parti nationaliste allié au Parti de la justice et du développement (APK) du président Erdogan. Dans des billets postés sur les réseaux sociaux, le journaliste avait annoncé à plusieurs reprises qu’il se sentait menacé.
Menaces constantes et pressions sur la justice
Les attaques verbales et l’hostilité politique envers les journalistes critiques ont augmenté régulièrement en Turquie depuis les élections locales de 2019, exacerbant le climat d’impunité existant et encourageant ceux en lien avec la corruption à agresser les journalistes locaux couvrant ce sujet.
Des menaces constantes et des pressions sur le système judiciaire de la part d’importantes personnalités pour arrêter les journalistes critiques ont entraîné le pays dans une spirale inquiétante de violence, dont les effets se font sentir dans toute la société turque. Les journalistes locaux, qui vivent souvent dans les mêmes quartiers que les personnes sur lesquelles ils enquêtent, constituent des cibles faciles, et ceux d’entre eux ayant reçu des menaces ne sont pas protégés.
Avant Güngör Arslan, le dernier journaliste assassiné en Turquie, en mars 2021, était Hazım Özsu, 46 ans, le présentateur d’un programme de Radio Rahmet FM à Bursa, ville située à 150 km d’Istanbul. Il a été abattu par l’un de ses auditeurs, qui n’avait pas apprécié ses commentaires sur les “valeurs sacrées”. Son assassin présumé, Halil Nalcaci, a été arrêté six jours plus tard.
Auparavant, l’assassinat le plus récent de journaliste a visé Cihan Hayirsevener, directeur de l’information de la chaîne de télévision locale Marmara TV et rédacteur en chef du quotidien Güney Maramara Yasam, abattu de trois balles dans la rue à Bandirma, à 115 km à l’ouest de Bursa, en décembre 2009. Les auteurs et les commanditaires de ce crime ont écopé de longues peines de prison.
La Turquie occupe le 149e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.