Turquie : la journaliste Müyesser Yildiz incarcérée
Müyesser Yildiz, directrice de l’information du site OdaTV, a été incarcérée le 12 juin pour “divulgation d’information confidentielle”. Reporters sans frontières (RSF) appelle à sa libération immédiate et demande aux autorités turques de mettre fin aux entraves à la liberté d’informer.
Interpellée à son domicile et placée en garde à vue le matin du 8 juin à Ankara, capitale de la Turquie, pour “espionnage à but politique ou militaire”, la journaliste Müyesser Yildiz, qui dirige le site d’information OdaTV basé à Ankara, a finalement été écrouée quatre jours plus tard sur ordre d’un juge de paix pour “divulgation d’information confidentielle en vue de la sécurité du pays et de ses intérêts sur le plan national ou international”. Arrêté en même temps qu’elle, le représentant à Ankara de la chaîne critique du pouvoir Télé1, Ismail Dükel, a lui été remis en liberté sous contrôle judiciaire. Les deux journalistes risquent 5 à 15 ans de prison.
Müyesser Yildiz et Ismaïl Dükel sont poursuivis pour avoir eu des contacts téléphoniques avec un sous-officier de l’armée censé leur avoir fourni des informations sur l’intervention de la Turquie en Libye. Pour le juge, l’incarcération de Müyesser Yildiz est justifiée par le fait qu’elle présente un “risque de fuite et de détérioration des éléments à charge”. En outre, il a également fait référence à deux articles signés de la journaliste et publiés sur son site, l’un en décembre 2019, l’autre en janvier 2020, qui questionnent la légitimité des commandants nommés à la tête des forces turques déployées en Libye et la nature de leurs rapports avec le maréchal libyen Khalifa Haftar.
“Nous demandons à Ankara de mettre fin à ces pratique abusives qui mettent en péril non seulement la confidentialité des sources des journalistes, mais aussi leur sécurité physique, déclare Erol Onderoglu, représentant de RSF en Turquie. L’arsenal répressif relatif au secret d’Etat ne pourrait justifier de telles pratiques ou bafouer le débat démocratique.”
Pour l’avocat de la journaliste, Erhan Tokatli, les autorités visent à saisir son matériel et ses archives afin de leur permettre d’identifier ses sources d’information. Par ailleurs, Maître Tokatli déplore que les policiers n’aient fourni une copie ni des données digitales saisies ni du mandat de perquisition au domicile de Müyesser Yildiz, ainsi que le veut la procédure habituelle.
En 2011, Müyesser Yildiz avait déjà passé 18 mois en prison avec les journalistes d’OdaTV Baris Terkoglu et Baris Pehlivan (à nouveau incarcérés depuis le 6 mars 2020). A l’époque, on leur avait reproché de soutenir l’organisation Ergenekon, un cercle politique nationaliste accusé par Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre, de vouloir déstabiliser le gouvernement. Les trois professionnels de l’information avaient finalement été acquittés.
La Turquie occupe la 154e position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.