Turquie : attaques racistes à l’antenne suivie de l’arrestation… du journaliste agressé et du directeur de la chaîne
Agressé après avoir posé une question à son invité, le journaliste Ahmad Rihawi a passé, ainsi que le directeur de la chaîne de télévision syrienne Orient News, près de 48 heures en garde à vue. Si Reporters sans frontières (RSF) salue leur libération, l’organisation condamne des attaques racistes ainsi qu’une arrestation arbitraire visant des professionnels des médias dans l’exercice de leurs fonctions.
La scène est hallucinante. Au moment où le journaliste de la chaîne Orient News Ahmad Rihawi pose à son invité politique, l'analyste Oktay Yilmaz, une question sur les violences de la gendarmerie turque envers les réfugiés syriens à la frontière entre les deux pays, ce dernier lui assène un torrent d'accusations, de propos racistes envers le journaliste, et va jusqu'à arracher les notes des mains de l’intervieweur avant de les déchirer, renversant son verre d'eau. "De quel droit attaques-tu la Turquie et son peuple ?", vilipende-t-il le journaliste face caméra.
Que cette altercation ahurissante se soit déroulée à l'antenne n'a pas empêché la police turque d'interpeller le directeur de la chaîne de télévision Alaa Farhat et le journaliste agressé Ahmad Rihawi – malgré son sang-froid et son professionnalisme face aux invectives et à l’attitude de son invité. Ce n’est que 48 heures plus tard que les journalistes ont été libérés, la justice turque ayant rejeté la plainte déposée par Oktay Yilmaz.
“Les attaques racistes et les gestes d’intimidation envers Ahmad Rihawi sont en soi répréhensibles. Mais que le journaliste et son directeur Alaa Farhat aient été arrêtés dans la foulée est totalement scandaleux. Si nous saluons leur libération par la justice, nous dénonçons l’interpellation dont ils ont fait l’objet sur une simple plainte infondée. Une telle interpellation arbitraire n’aurait jamais dû avoir lieu et constitue une menace sur la liberté de la presse.
Suite à la plainte déposée par Oktay Ylmaz, à sa sortie de l’émission, pour offense à l’État selon les sources de RSF, le journaliste et le directeur de la chaîne ont été emmenés au Département de l’immigration, avant d'être transférés à la Direction de sécurité générale d’Istanbul. Ahmad Rihawi et Alaa Farhat ont été libérés deux jours plus tard, lorsque la justice turque a rejeté la plainte portée contre eux.
Apparaissant en direct sur Orient News le jour même, les deux professionnels des médias ont remercié ceux qui les avaient soutenus. “Ces batailles judiciaires, ce racisme et ces tentatives de bâillonnement ne sont pas nouveaux, a affirmé Ahmad, drapé du drapeau syrien. Mais nous n'arrêterons pas de porter la voix des gens.” L’Orient News a appelé à ce que Oktay Yilmaz soit tenu responsable de son “attaque verbale et physique contre Ahmad Rihawi”.
Cette attaque s’inscrit dans un climat d’hostilité et de xénophobie croissant contre les Syriens en Turquie, qui menace notamment la sécurité des journalistes dans le pays. En janvier 2023, deux journalistes syriens ont été menacés d’expulsion du pays, puis l'un d'eux a été expulsé, après avoir été arrêté par les autorités turques.