Turquie : 11 journalistes kurdes jugés pour “appartenance au PKK”

11 journalistes kurdes poursuivis pour appartenance au PKK en Turquie

Onze journalistes de médias pro-kurdes, accusés d’appartenir au PKK, doivent être jugés à partir du 16 mai à Ankara. Reporters sans frontières (RSF) qui assistera à l’ouverture de leur procès, appelle les autorités turques à cesser d'instrumentaliser la justice pour étouffer la presse d’opposition. 

Onze journalistes kurdes, dont neuf de l’agence de presse Mésopotamie (MA) et deux du site féminin Jin News (“Info Femme”), doivent comparaître à partir du 16 mai, devant la 4e chambre de la cour d’assises d’Ankara, et risquent jusqu’à 15 ans de prison. Officiellement, ils sont accusés d‘appartenir au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation politique armée considérée comme terroriste par la Turquie et l’Union européenne. Mais leur acte d’accusation, long de 210 pages, précise qu’on leur reproche plus spécifiquement  de faire partie du “comité médias” du KCK, une structure communautaire proche du PKK.

En réalité, lors de leur interrogatoire, les onze journalistes n’ont pas été questionnés sur le PKK mais sur leur appartenance à l’association prokurde de journalistes Dicle Firat (“Tigre et Euphrate”, ou DFG) basée à Diyarbakir, sur leurs reportages, leurs relations avec les médias pour lesquels ils travaillent, leurs publications sur les réseaux sociaux et leurs déplacements. La justice turque a aussi cherché à savoir qui les avait envoyés faire leur reportage. 

“Les autorités turques doivent mettre fin à cette instrumentalisation de la justice à des fins politiques. RSF demande la libération immédiate de tous les journalistes kurdes détenus dans le pays et qui font de lui l’une des plus grandes prisons pour journalistes au monde.’’

Erol Onderoglu

Représentant de RSF en Turquie 

Parmi les onze journalistes sur le banc des accusés, neuf sont incarcérés depuis plus de six mois, suite à leur arrestation le 29 octobre 2022. Il s’agit de la rédactrice en chef de l’agence de presse Mésopotamie (MA) Diren Yurtsever, des journalistes de cette même agence Berivan Altan, Deniz Nazlim, Selman Gozelyüz, Hakan Yalcın, Ceylan Şahinli et Emrullah Acar, ainsi que des deux journalistes du site d’information féminin Jin News Habibe Eren et Öznur Değer. Une autre journaliste Zemo Aggoz Yigitsoy et un stagiaire de Mésopotamie Mehmet Günhan avaient, eux, été relâchés sous contrôle judiciaire après leur garde à vue. Ils comparaîtront donc libres.

Sept journalistes kurdes jetés en prison en 2023

À l’approche des élections législatives et présidentielle du 14 mai, une opération policière de grande envergure a visé plus de 120 personnes, le 25 avril dernier, dans les milieux pro-kurdes de Diyarbakir et de 20 autres villes de Turquie, dont Istanbul, Ankara et Izmir. Onze professionnels des médias ont ainsi été interpellés. Quatre d’entre eux, deux membres de l’agence Mésopotamie, le rédacteur Abdurrahman Gök et le reporter Mehmet Sah Oruc, ainsi que la reporter de Jin News Beritan Canozer et le journaliste Remzi Akkaya, ont été emprisonnés après deux jours de garde à vue. Six autres, le propriétaire de l’hebdomadaire Xwebûn Kadri Esen, le rédacteur en chef du quotidien Yeni Yaşam Osman Akın, le reporter de l’agence Mésopotamie Ahmet Kanbal, le cameraman de la société de production Pia Kadir Bayram et les journalistes indépendants Salih Keles et Mehmet Yalcin, ont, eux, été remis en liberté sous contrôle judiciaire. 

À cela s’ajoutent les arrestations, le 28 avril, du rédacteur de Mésopotamie Sedat Yilmaz et de la co-directrice de l’Association de Journaliste de Dicle Firat (DFG) Dicle Muftuoglu, et le 29 avril, du journaliste indépendant Mikail Barut

Au total,  32 journalistes pro-kurdes ont été emprisonnés par les autorités turques depuis juin 2022 et se trouvent toujours derrière les barreaux à Diyarbakir ou à Ankara. La Turquie occupe le 165e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023. 

 

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