Trois cents militaires et policiers à l'assaut d'une radio communautaire : “La marque du coup d'État contre la presse''
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Près d’un an après le coup d’État du 28 juin 2009, les manœuvres répressives engagées contre la presse d’opposition ou communautaire restent en vigueur. En témoigne l’assaut militaire et policier dont la radio communautaire La Voz de Zacate Grande 97.1 FM a été la cible, dans la matinée du 3 juin 2010, dans la péninsule du même nom au sud du pays. Dépositaires d’un mandat d’arrêt contre cinq dirigeants paysans, quelque 300 soldats et policiers ont envahi la communauté et réduit son média au silence. Une bande plastique jaune portant la mention “scène de crime” ceinture désormais le local de la petite radio, d’après l’Association mondiale des radios communautaires (AMARC).
L’occupation militaire d’un média avant sa fermeture est caractéristique des procédés employés au moment du coup d’État. C’est de cette façon que Radio Progreso été exclue des ondes, quelques heures seulement après le renversement de Manuel Zelaya.
La même méthode a présidé aux fermetures de la station Radio Globo et de la chaîne Canal 36-Cholusat pendant l’état de siège qui a suivi en septembre - après le retour clandestin au pays du président déchu -, ou aux réquisitions d’antennes du réseau câblé pour censurer la presse étrangère.
Comment expliquer, cette fois, un tel déploiement sinon par la volonté de faire taire à tout prix la voix de communautés engagées dans un grave conflit agraire ? Que signifie cette bande jaune ceinturant la radio sinon la criminalisation d’une population à travers son média ? Que La Voz de Zacate Grande ait payé les conséquences du conflit foncier ou qu’elle ait été l’objectif premier de cette opération , il s’agit d’un acte de censure politique et d’une violation de la Convention interaméricaine des droits de l’homme. Par ailleurs, la législation hondurienne ne répond toujours pas aux standards internationaux en matière de médias communautaires.
La Voz de Zacate Grande a vu le jour le 14 avril dernier. Elle plaide la cause de l’Association pour le développement de la péninsule de Zacate Grande (ADEPZA), dont les représentants sont accusés par le magnat de l’agro-industrie Miguel Facussé Barjum d’“usurpation de terre” et de “fraude fiscale”. La petite station était pour cette raison dans le collimateur de la justice locale, laquelle a émis un mandat d’arrêt contre cinq dirigeants de l’ADEPZA. Sa fermeture a eu lieu en marge de l’exécution de cet ordre judiciaire.
Déjà très dégradée depuis le coup d’État, la situation du pluralisme et de la liberté de la presse au Honduras s’est encore aggravée depuis l’investiture du nouveau gouvernement, le 27 janvier 2010. Le pays est même devenu le plus dangereux de la planète au cours de ce semestre pour la sécurité des journalistes et aucune avancée judiciaire réelle n’a encore permis de faire la lumière sur les assassinats de six d’entre eux et d’un animateur en l’espace d’un mois et demi. Un mandat d’arrêt vient, certes, d’être lancé contre quatre individus identifiés comme les auteurs matériels et intellectuels de l’assassinat de David Meza Montesinos, le 11 mars dernier à la Ceiba, sur la côte atlantique. Qu’en est-il, en revanche, pour son collègue Nahum Palacios Arteaga , abattu trois jours plus tard après des menaces attribuées à l’armée.
Ce dernier cas est le seul figurant au baromètre en raison de liens avérés avec la profession. Nous constatons, pour autant, que les autorités excluent systématiquement tout lien entre ces atteintes gravissimes à la liberté d’expression et la violence politique qui ravage le pays depuis un an. Que répondent-elles alors aux deux résolutions prises par la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), les 3 mai et 2 juin derniers, leur enjoignant d’assurer la protection de quinze journalistes de Radio Progreso sous la menace. Parmi eux, le père jésuite et directeur de la station Ismael Moreno et la chef de rédaction Karla Rivas ? Radio Progreso et son personnel sont visés en raison de leur ligne politique et éditoriale.
Nous maintenons le contact auprès de ces personnes. La responsabilité de l’État est engagée quant à leur protection. Les autorités honduriennes ne peuvent espérer une réintégration prochaine de leur pays à l’Organisation des États américains (OEA) si elles persistent dans le déni ou pire, la complicité dans certaines affaires. Elles devraient accepter le principe d’une commission d’enquête internationale indépendante.
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20.01.2016