A l'occasion du trentième anniversaire de l'indépendance, Reporters sans frontières dénonce notamment la campagne de harcèlement ayant conduit à la réduction au silence du Renouveau djiboutien, seule publication d'opposition du pays.
A l'occasion du trentième anniversaire de l'indépendance de Djibouti, le 27 juin 2007, Reporters sans frontières dénonce la dérive autoritaire du gouvernement présidé par Ismaël Omar Guelleh, après la campagne de harcèlement ayant conduit à la réduction au silence du Renouveau djiboutien, seule publication d'opposition du pays.
"Cette année, la fête de l'indépendance est un moment d'inquiétude. Peu à peu, Djibouti se ferme au monde et à la critique. Il était déjà inquiétant de voir qu'une seule publication d'opposition offrait aux Djiboutiens une information différente, malgré des moyens limités. Aujourd'hui qu'elle a disparu sous la contrainte, le gouvernement détient le monopole de l'information nationale. La dérive des autorités djiboutiennes ne peut pas continuer dans l'impunité, alors que la France et les Etats-Unis, militairement présents dans le pays, observent sans rien dire. La fête de l'indépendance devrait être l'occasion pour les autorités djiboutiennes d'ouvrir enfin le secteur de l'audiovisuel et de la presse écrite, de garantir la liberté de la presse et de permettre à Radio France Internationale (RFI) d'émettre de nouveau", a déclaré l'organisation.
Le Renouveau djiboutien, organe du parti d'opposition Mouvement pour le renouveau démocratique et le développement (MRD), ne peut plus paraître depuis le 13 mai 2007, après que son matériel de tirage a été, pour la troisième fois en quatre mois, saisi par la police. Cette situation fait de Djibouti l'un des rares pays d'Afrique, avec l'Erythrée et la Guinée équatoriale, où aucune presse privée ne paraît.
Dans la ligne de mire du régime d'Ismaël Omar Guelleh depuis plus d'une dizaine d'années, le directeur du journal, Daher Ahmed Farah, avait été arrêté à quatre reprises en 2003 et avait passé, au total, près de trois mois en prison au cours de l'année. Il se trouve aujourd'hui à l'étranger. Son frère, Houssein Ahmed Farah, avait passé neuf jours en prison, en juin 2004, sous prétexte qu'il aurait "attenté à la vie de la première dame du pays". Alors qu'il circulait en voiture pour aller couvrir une manifestation populaire, il avait dû freiner brusquement pour éviter un convoi officiel.
Depuis la reprise du harcèlement du MRD et du personnel de son journal, en février 2007, plusieurs cadres et militants ont été arrêtés pour des périodes plus ou moins brèves. Arrêté le 3 juin, Farah Abadid Hildid, militant du MRD et collaborateur du Renouveau djiboutien, est toujours en détention après avoir été condamné, le 14 juin, à un mois de prison ferme pour "publication de fausses nouvelles". Houssein Ahmed Farah, quant à lui, a été arrêté et détenu deux fois depuis février 2007, du 7 au 10 février et du 6 au 13 mai. Les vendeurs à la criée du Renouveau ont été régulièrement interpellés et intimidés.
Se fondant sur diverses procédures judiciaires ouvertes pour "diffamation" ou "publication de fausses nouvelles", la police djiboutienne a également procédé à des perquisitions dans les locaux du parti et du journal, ainsi qu'au domicile de Daher Ahmed Farah. Le 7 février, un ordinateur servant à l'édition du Renouveau avait été saisi, compromettant la parution des numéros suivants. Le 29 mars, le matériel d'impression avait été confisqué, interrompant une nouvelle fois la parution de l'hebdomadaire. Le 13 mai, la police avait perquisitionné les locaux du MRD dans le quartier de Hayableh, saisissant le matériel de sonorisation de manifestations et le nouveau matériel d'impression du journal. L'équipe du Renouveau djiboutien a tenté, en vain, de faire paraître une dernière édition, le 17 mai.
La dernière publication non assujettie au gouvernement djiboutien n'a donc plus paru depuis cette date. Le bihebdomadaire gouvernemental La Nation, ainsi que le journal arabophone à parution irrégulière, Al Qaran, organe du parti présidentiel Rassemblement populaire pour le progrès (RPP), sont les derniers journaux à paraître à Djibouti. Les radios internationales britannique British Broadcasting Corporation (BBC) et américaine Voice of America (VOA) peuvent être captées en FM. L'émetteur de Radio France Internationale (RFI) a pour sa part été fermé le 14 janvier 2005, après la diffusion de reportages sur l'assassinat, en 1995, du juge français Bernard Borrel. La possession de paraboles satellites, même si elle est autorisée, est étroitement surveillée par les autorités.