Tadjikistan : les agresseurs d’un reporter d’Asia-Plus punis d’une simple amende

Les trois hommes qui ont frappé le journaliste lors d’un reportage ont été condamnés pour “inconduite”. Reporters sans frontières (RSF) se félicite de l’identification des coupables mais appelle à les juger pour “entrave aux activités professionnelles d'un journaliste”.

Une simple sanction administrative pour “inconduite” : c’est la décision prise le 2 juin par le tribunal de Khuroson contre les assaillants d’un journaliste du site d’information indépendant Asia-Plus, Avazmad Gourbatov, plus connu sous son pseudonyme Abdoullo Gourbati. Les trois hommes, qui ont plaidé coupable, ont écopé d’une amende d’environ cinquante euros chacun.


Le 29 mai, le journaliste était parti couvrir les conséquences d’une coulée de boue dans la province de Khatlon, au sud de la capitale, Douchanbé. Abdoullo Gourbati raconte avoir été abordé par ces trois hommes à bord d'une voiture dès son arrivée et avant même qu’il ait pu s'entretenir avec les victimes de la catastrophe. Les hommes lui ont grossièrement demandé d’arrêter de les provoquer puis l’ont attaqué. 


“Frapper un journaliste et l’empêcher de travailler relève du Code pénal (article 162), souligne la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale, Jeanne Cavelier. Nous soutenons l’avocat d’Abdoullo Gourbati qui souhaite faire appel de cette condamnation dérisoire . Cette sanction participe au climat d’impunité, qui favorise l’autocensure des journalistes alors que la liberté de l’information est théoriquement garantie par la Constitution tadjike et les traités internationaux. Nous demandons aux autorités compétentes de juger cette agression au regard du délit d’’entrave aux activités professionnelles d'un journaliste’.”


Avant le procès, Abdoullo Gourbati avait fait l’objet d’une campagne de dénigrement par le pouvoir. Le ministère de l’Intérieur lui avait reproché dans un communiqué publié le 30 mai 2020, d’avoir “suscité le ressentiment des résidents” et “provoqué un conflit” en tentant de violer leur domicile et de s’immiscer dans leur vie privée.


En outre, c’est la deuxième fois que le jeune journaliste de 23 ans est agressé en l’espace de trois semaines. Le 11 mai, il avait déjà été frappé par des hommes masqués à Douchanbé, après avoir reçu des menaces téléphoniques et sur les réseaux sociaux. Il publiait ces derniers mois des articles sur la situation liée à l’épidémie de Covid-19 dans le pays, que les autorités ont niée jusqu’au 30 avril.


Plusieurs journalistes de médias indépendants, comme Rajabi Mirzo ou Daler Charipov, ont été eux aussi attaqués par des inconnus ces vingt dernières années. Le Tadjikistan occupe la 161e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020. Le pays a perdu 45 places depuis 2015, notamment à cause du harcèlement que subissent les derniers journalistes indépendants qui tentent de faire leur travail et d’une censure massive d’Internet.

Publié le
Updated on 04.06.2020