Syrie : RSF demande la libération d’un journaliste détenu au Rojava
Mise à jour du 3/10/2023 : Barzan Liyani a été libéré par les autorités kurdes le 30 septembre, après une détention de 45 jours dans la prison de Jerkin, dans le district de Qamishli. Il était accusé d’avoir travaillé pour un média dépourvu de licence. Selon le journaliste, après plusieurs interrogatoires, son cas a été transmis au procureur général qui a retiré toutes les accusations.
Alors que le 30 août marque la journée internationale des victimes de disparition forcée, RSF alerte sur le nouveau cas du journaliste Barzan Hussein Liyani, détenu dans un lieu tenu secret au Kurdistan syrien depuis le 15 août, sans accès à un avocat. Reporters sans frontières (RSF) demande sa libération immédiate.
L’ancien correspondant du média d'information en ligne ARK TV, Barzan Hussein Liyani était dans son bureau dans la ville d’al-Muabbada (Girkê Legê en kurde) dans le Rojava, région du nord-est de la Syrie sous administration kurde, lorsque six individus masqués et armés sont venus l'arrêter le 15 août dernier. Ils l’ont menotté et emmené dans une voiture. Des témoins de la scène rapportent que les hommes se sont identifiés comme des membres des forces de sécurité affiliées à l’administration autonome qui dirige le Kurdistan syrien. Depuis dix jours, la famille de Barzan Liyani n'a toujours aucune idée de l'endroit où il se trouve, mais soupçonne qu’il a été arrêté en raison de ses activités journalistiques, qu’il a cessées depuis seulement trois mois. Interrogées par RSF, les autorités, tant administratives que militaires, gardent le silence sur son sort.
“Si la mise en scène spectaculaire de l'arrestation musclée de Barzan Liyani constitue déjà un acte d'intimidation adressé aux journalistes, la détention forcée dont il est victime traduit un total mépris du droit, associé à une intolérance au pluralisme et à la critique de la part de l'administration kurde. RSF l’exhorte à libérer immédiatement Barzan Liyani et à cesser de bafouer les droits des journalistes critiques.”
Le soir de l’arrestation de Barzan Liyani, son frère Marwan Liyani se trouvait à proximité, dans un magasin. Alerté par son fils, il s'est précipité sur les lieux pour tenter de négocier avec les forces de sécurité : "C’était terrifiant. J'ai vu la tête de mon frère couverte d'un chiffon noir et ses bras attachés derrière le dos, raconte-t-il à RSF. L'un des hommes m'a repoussé. Nous nous sommes battus, ils ont déchiré mes vêtements et m'ont lancé un coup de pied dans la poitrine avant de démarrer leur voiture avec mon frère à l’intérieur.” Les hommes masqués ont également repoussé violemment le fils de Barzan Liyani, âgé de 18 ans, qui avait tenté de prendre la défense de son père.
Selon son frère, Barzan Liyani avait cessé de travailler comme correspondant d'ARK TV, il y a trois mois, à la suite d'une baisse d’activité au sein de la chaîne. Depuis, il dirige une agence de tourisme dans sa ville. Il reste cependant dans le collimateur des autorités kurdes en raison de ses anciennes activités journalistiques et de ses liens avec ARK TV, un média proche du Parti démocratique kurde (PDK) qui dirige le Kurdistan irakien, et qui s’oppose au Parti de l'union démocratique kurde (PYD) au pouvoir au Kurdistan syrien. Comme d’autres journalistes syriens et irakiens, Barzan Liyani semble payer une nouvelle fois le prix des rivalités entre les deux Kurdistan.
Interrogées par RSF, les Forces démocratiques syriennes (FDS), forces armées officielles du Kurdistan syrien, ont renvoyé l'organisation vers l’Administration autonome de la Syrie du Nord et de l'Est (AANES), qui n’a pas répondu aux sollicitations de l’organisation.
En 2017, alors qu’il était correspondant pour Zagros TV, média proche du PDK tout comme ARK TV, Barzan Liyani avait déjà été arrêté à un poste de contrôle militaire et avait été détenu pendant 6 mois. En juillet 2021, les FDS l’avaient arrêté une deuxième fois chez lui et ne l’avaient libéré que trois mois plus tard. En mars de la même année, ces mêmes forces de sécurité avaient arrêté un autre correspondant d'ARK TV, Ahmad Soufi.
Depuis 2022, RSF alerte sur une dégradation des conditions de travail des journalistes au Kurdistan syrien, avec de plus en plus de restrictions imposées sur leur travail.
Au moins dix autres journalistes ont été victimes de disparition forcée dans tout le pays depuis 2011, le début de la révolution, dont deux sont toujours en détention. 34 journalistes ont été portés disparus en Syrie, 64 détenus, et 120 journalistes pris en otages : des chiffres parmi les plus élevés au monde.