Soudan : nouvelle offensive contre la presse
Reporters sans frontières (RSF) dénonce une nouvelle vague d’arrestations de journalistes et de censure en marge des importantes manifestations contre le régime qui secouent le pays depuis près de quatre mois.
Après une légère accalmie au cours de laquelle le président soudanais Omar el-Béchir avait reçu plusieurs patrons de presse et promis la libération de tous les journalistes détenus le 6 février dernier, le régime opte de nouveau pour la répression. Une douzaine de journalistes ont été arrêtés en marge des protestations organisées le week-end dernier au Soudan. Pour la première fois, les manifestants ont ouvertement demandé le soutien de l’armée pour renverser le président au pouvoir depuis trente ans. Les journalistes Walid Elnoor du quotidien Al-Meghar et Mahir Abul Gookh de la chaîne Sudania 24, sont toujours en détention.
Les services de renseignements (NISS) sont également de retour dans les imprimeries pour confisquer les médias qui couvrent activement la contestation. Les éditions d’Al-Watan, Al-Youm Al-Tali, Al-Jareeda et Al-Baath en ont fait les frais. Dimanche, le NISS a également forcé les locaux d’Al-Sayha, agressés plusieurs de ses journalistes et arrêté son directeur de publication Abo Obaida Abdallah.
La censure touche aussi internet et les principaux réseaux sociaux sont de nouveau inaccessibles depuis dimanche. Le Soudan avait déjà bloqué leur accès pendant 68 jours consécutifs entre le 21 décembre 2018 et le 26 février 2019 selon l’ONG Netblocks qui recense et mesure la cybercensure dans le monde.
“Loin d’apporter des réponses aux revendications qui s’expriment, cette politique de répression tous azimuts contre la presse ne fait qu’amplifier la crise politique au Soudan, dénonce Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. La prédation du régime contre les médias et les journalistes est sans précédent. Depuis le début du mouvement, une centaine de journalistes ont été arrêtés et la censure touche aussi bien les quotidiens, privés de parution par les services de renseignements, que l’accès à internet et aux réseaux sociaux, régulièrement coupés ou ralenti.”
RSF avait déjà alerté sur la persistance de menaces contre les médias malgré la libération le 28 mars dernier du rédacteur en chef d’Al-Tayar Osman Mirghani. Le journaliste avait été retenu dans les geôles du régime pendant plus d’un mois pour avoir ouvertement critiqué l’état d’urgence instauré par le président sur la chaîne anglo-qatarie Sky News Arabia. Trois jours plus tôt des dizaines de journalistes avaient manifesté pour réclamer sa libération et dénoncer la répression continue du régime contre la presse.
Le Soudan occupe la 174e place sur 180 dans le Classement 2018 de la liberté de la presse établi par RSF.