Somalie : RSF déplore l’expulsion de deux journalistes par les autorités du Puntland
Les autorités de la région autonome du Puntland, au nord-est de la Somalie, ont expulsé du territoire somalien deux journalistes venus travailler sur la crise frappant la mer Rouge. Reporters sans frontières (RSF) condamne cette expulsion arbitraire, survenue alors que les deux journalistes étaient en règle.
Les autorités somaliennes auraient-elles une dent contre Jamal Osman ? Pour la deuxième fois en l’espace de 14 mois, elles ont empêché ce journaliste indépendant britannique, qui travaille notamment en tant que correspondant Afrique pour la chaîne basée à Londres Channel 4 News, d’effectuer un reportage dans le pays.
Jamal Osman était accompagné d’une productrice de Channel 4 News – qui souhaite garder l’anonymat – pour effectuer des interviews dans le cadre d’un documentaire portant sur la crise actuelle en mer Rouge, marquée par les attaques de pirates et des rebelles yéménites houthistes. Les deux journalistes ont été interpellés le 18 février par les autorités de l’État du Puntland (nord-est du pays), lors de leur arrivée à l’aéroport de Garowe, et ont été expulsés vers Londres le lendemain matin. Dans une lettre datée du 15 février, le ministre de l’Information du Puntland, Mohamud Aydid Dirir, avait pourtant autorisé l’équipe à se rendre dans l’État “pour documenter les effets des pirates et d'autres développements liés aux nouvelles activités des pirates au Puntland”.
Jamal Osman et sa consœur avaient effectué les démarches nécessaires auprès des autorités avant d'atterrir en Somalie. Leur expulsion arbitraire démontre une volonté de la part des autorités somaliennes d’empêcher les deux journalistes de travailler librement, en particulier Jamal Osman, réputé pour ses investigations. RSF déplore leur expulsion et appelle les autorités somaliennes à laisser les journalistes remplir leur mission d’information librement, notamment sur des sujets sécuritaires.
Peu après leur interpellation, Jamal Osman et sa productrice ont été emmenés dans un hôtel contrôlé par l'agence de renseignement et de sécurité du Puntland (PISA). Les deux journalistes ont ensuite été déplacés vers les bureaux du PISA et ont subi un interrogatoire de près de trois heures, interrompu par deux généraux qui se sont excusés du traitement infligé. Ils passent finalement la nuit dans une salle accueillant les conférences de presse de l’agence. Le lendemain matin, ils sont conduits à l’aéroport de Garowe, capitale du Puntland. Les passeports et téléphones des journalistes ont été confisqués à plusieurs reprises au cours de cette journée.
De retour à Londres, Jamal Osman a expliqué à RSF que le ministre de l’Information a d’abord rassuré les journalistes, avant de leur dire lors d’un second appel que les ordres donnés aux agents venaient d’au-dessus de lui. Contactés, Mohamud Aydid Dirir et le porte-parole de l'État du Puntland, Jama Deperani, n’ont pas répondu aux sollicitations de RSF.
En décembre 2022, Jamal Osman avait déjà été interpellé dans son hôtel, peu après avoir atterri à l’aéroport de Mogadiscio, puis renvoyé le lendemain matin au Royaume-Uni. Le journaliste avait réalisé en juin 2022 un reportage sur le groupe Al-Shabaab qui avait particulièrement déplu aux autorités somaliennes.