Slovaquie : à l’occasion du 5e anniversaire de l’assassinat de Jan Kuciak, RSF soutient un nouveau mécanisme de protection des journalistes
Le verdict du nouveau procès du commanditaire présumé de l’assassinat de Jan Kuciak et de sa fiancée est attendu pour avril 2023. À la veille du cinquième anniversaire de ce crime odieux, Reporters sans frontières (RSF) demande que justice soit pleinement rendue et annonce apporter son soutien financier et son expertise à un projet inédit de protection des journalistes.
Ce lundi 20 février, veille du cinquième anniversaire de l’assassinat du journaliste slovaque Jan Kuciak et de sa fiancée Martina Kusnirova, un nouveau mécanisme de protection des journalistes est lancé pour suivre et prévenir les attaques contre les journalistes slovaques, ainsi que pour aider les victimes. Le projet, intitulé Safe.Journalism.sk (Bezpecna.Zurnalistika.sk), a été mis en œuvre par le Centre d’investigation Jan Kuciak (ICJK), média d’investigation et ONG fondé en 2018. En tant que l’un de ses deux principaux partenaires – l’autre étant l’ambassade des Pays-Bas à Bratislava –, RSF soutient ce projet en lui apportant financement et expertise. Inspiré par le mécanisme de protection hollandais PersVeilig, le projet slovaque est le premier du genre dans le pays.
Dans sa phase initiale, Safe.Journalism.sk a mené une étude au sein de la communauté journalistique pour identifier les menaces. La prochaine étape consistera à élaborer des mesures spécifiques pour protéger les journalistes en concertation avec les autorités slovaques.
“Les journalistes slovaques ne seront pas en sécurité tant que justice ne sera pas rendue pour l’assassinat de Jan Kuciak et que des mesures systémiques ne seront pas prises. Le lancement de Safe.Journalism.sk, que nous sommes fiers de soutenir, est l’une de ces mesures. Nous continuerons à accompagner ce projet, qui constitue un excellent exemple de coopération entre les journalistes eux-mêmes, l'État et les partenaires internationaux, afin d’assurer leur protection contre toutes sortes de menaces.
Le président et rédacteur en chef d’ICJK, Lukas Diko souligne quant à lui que la “nouvelle étude met au jour la véritable portée du problème de la sécurité des journalistes en Slovaquie, cinq ans après l’assassinat de Jan Kuciak. Jusqu’à deux tiers des journalistes ont déclaré avoir fait l’objet d’une agression ou d’une menace l’année dernière, précise-t-il. L’incitation à la haine par certains politiciens, les attaques physiques, personnelles ou en ligne sont autant de pressions exercées sur les journalistes qui font leur travail dans l’intérêt public. C’est pour cela que nous lançons Safe.Journalism.sk.”
Les attaques en ligne sont les plus répandues
L’étude a été menée entre décembre 2022 et janvier 2023 par l’institut de sondage AKO auprès d’un échantillon de 400 journalistes slovaques travaillant pour de grands médias nationaux, régionaux ou locaux, ainsi que pour des titres internationaux.
Plus des deux tiers (66 %) des journalistes qui ont répondu à l’enquête ont fait l’expérience d’un incident (attaque ou menace) au cours des 12 derniers mois. Les plus répandus étaient des attaques verbales en ligne (40 %) et directes (36 %). Les agressions physiques et les menaces juridiques telles les procédures-bâillons ont concerné respectivement 4 % et 2 % des journalistes. Près des trois quarts (73 %) des incidents ont été décrits par les journalistes comme étant des discours de haine envers eux. En conséquence de ces incidents, 16 % des journalistes ont eu recours à l’autocensure.
L’étude révèle que 16 journalistes ont été victimes d’agressions physiques, un chiffre considérable par rapport aux autres petits pays européens – et d’autant plus inquiétant en Slovaquie, où l’on attend toujours le verdict pour le commandidtaire de l’assassinat de Jan Kuciak, le 21 février 2018.
Affaire Kuciak, un verdict attendu en avril
Mais cinq ans plus tard, une condamnation du cerveau de ce crime est à portée de main : le verdict du nouveau procès en cours contre le commanditaire présumé Marian Kocner et de sa complice Alena Zsuzsova est attendu le 24 avril, selon le procureur Matus Harkabus.
Le nouveau procès, qui se tient devant le tribunal correctionnel spécial, a débuté après que la Cour suprême a annulé,en première instance, en juin 2021, l’acquittement de Marian Kocner et d’Alena Zsuzsova.
Ce sont les articles d’investigation de Jan Kuciak dans Aktuality.sk. qui ont, selon le procureur, constitué le mobile de l’homme d’affaires pour avoir commandité l’assassinat avec l’aide de sa complice : il les avait perçus comme une menace pour ses affaires et ses intérêts politiques, mais aussi pour son impunité vis-à-vis des autorités slovaques.
Marian Kocner avait été arrêté en juin 2018. L’année suivante, il avait été condamné à une peine de prison de 19 ans pour fraude. Les deux hommes de main et un intermédiaire impliqués dans l’affaire ont déjà écopé de longues peines d’emprisonnement.
La Slovaquie occupe la 27e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.