Shpargalka | Exile, guide pratique pour les professionnels des médias menacés
Depuis six mois, la Russie a adopté une série de lois anti-presse draconiennes. Afin d’aider les professionnels du journalisme menacés en Russie à choisir un pays d’exil qui leur convient et répond à leurs besoins, le JX Fund–Fonds européen pour le journalisme en exil, en partenariat avec le Centre de défense des médias de masse à Voronej, a lancé la plateforme d’information Shpargalka | Exile.
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Depuis le 4 mars et la multiplication des législations anti-presse, le mot même de “guerre” peut valoir une peine de prison pouvant aller jusqu’à 15 ans. Quelques jours plus tard, les derniers médias indépendants ont cessé leur activité en Russie. Afin d’aider les professionnels du journalisme menacés en Russie à choisir un pays d’exil qui leur convient et répond à leurs besoins, le JX Fund–Fonds européen pour le journalisme en exil, en partenariat avec le Centre de défense des médias de masse (Mass Media Defense Center) à Voronej, a lancé la plateforme d’information Shpargalka | Exile, ce qui, en russe, signifie “antisèche”. De nombreux médias peuvent en bénéficier – dès le moment où ils quittent le pays jusqu’à leur établissement en exil.
Un chemin balisé vers l’exil
De quels documents ai-je besoin pour entrer dans un autre pays ? Puis-je y ouvrir un compte en banque ? Comment obtenir un permis de travail ? Quels documents faut-il produire pour enregistrer une entreprise de médias en exil ? Dois-je payer des impôts à la fois en Russie et dans mon actuel ou futur pays de résidence ?
Ces questions, parmi tant d’autres, jouent un rôle essentiel dans le choix d’un pays d’exil. Toutefois, si vous cherchez des réponses fiables, vous devrez, dans la plupart des cas, vous frayer un chemin à travers une immense jungle administrative et courir le risque de ne voir que l’arbre qui cache la forêt – surtout lorsqu’on sait que les informations sont rarement fournies par les autorités en anglais, et encore plus rarement en russe.
La plateforme d’information Shpargalka | Exile présente aujourd’hui des réponses à 21 questions prioritaires. Toutes ont été élaborées par des avocats provenant de 12 pays, et le catalogue doit continuer à s’étoffer. La liste actuelle comprend l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Bulgarie, l’Allemagne, la Géorgie, Israël, le Kazakhstan, la Lituanie, le Monténégro, la Pologne, la Serbie et la Turquie. Les informations sont régulièrement mises à jour, puisque les modalités d’entrée et les cadres législatifs de nombreux pays changent fréquemment du fait d’une situation internationale tendue.
“Shpargalka | Exile répond à toutes les questions qui nous ont été posées ces derniers mois concernant le travail en exil. La plateforme est un outil destiné à faciliter la recherche d’informations juridiques à jour et à réduire le risque d’enfreindre les lois d’autres pays”, déclare la directrice et avocate des médias du Centre de défense des médias de masse, Galina Arapova.
De la fuite à la réinstallation
Une fois toutes les questions individuelles concernant la résidence et la législation sociale résolues, les journalistes peuvent se poser la question de la forme sous laquelle ils souhaitent rétablir leur média en exil. Certains décident de créer un nouveau projet. Quels statuts sont possibles pour chaque cas et quelles en sont les implications fiscales figurent également sur la plateforme d’information Shpargalka | Exile.
Ces derniers mois, le JX Fund a accompagné le rétablissement de 14 médias, ainsi que de 5 start-ups et d’un pôle médiatique à Tbilissi (Géorgie). Outre de grandes publications comme Novaya Gazeta Europe, des titres plus modestes dédiés aux questions sociales ou régionales font également partie du portefeuille du JX Fund, qui vise à bâtir un paysage médiatique en exil diversifié s’adressant, à long terme, à différents publics cibles.
Repenser la matière détruite
Quel type d’architecture émerge après la guerre ? Comment les abris temporaires sont-ils conçus sur les fondations d’un environnement détruit ? Quelle relation entretiennent société et architecture ?
Ces questions sont adressées par PYL – “poussière” en russe –, un média créé avec le soutien du JX Fund, dont l’équipe est actuellement éparpillée dans plusieurs pays.
“Notre rétablissement officiel est prévu pour l’année prochaine à Berlin, annonce le rédacteur en chef du magazine. Une ONG va nous aider à gérer nos donations, à la fois dans le domaine juridique et du point de vue comptable.”
Le 12 août 2022, PYL a été lancé en ligne avec trois articles sur les programmes de reconstruction en Ukraine, ainsi que sur la restauration de l’Ossétie du Sud. Deux d’entre eux, écrits à l’origine en russe, ont été traduits en anglais, et ceux sur la reconstruction de cinq maisons ukrainiennes sont également disponibles en ukrainien.
Surtout, n’abandonnez pas votre travail !
Autre projet soutenu par JX Fund, Spektr.Press. Cette plateforme d’information indépendante a été créée en 2014 en exil et se concentre actuellement sur les conséquences de la guerre d’agression russe en Ukraine et les développements politiques afférents en Russie et en Europe. De cette manière, Spektr.Press tente également de venir en aide aux confrères fuyant aujourd’hui la Russie – qui, dans le même temps, contribueront à consolider ses propres informations.
“Leur principale et plus urgente nécessité est de trouver du travail dans de nouveaux pays afin de poursuivre leur carrière journalistique. Sinon, ils seront contraints d’abandonner leur activité après quelques mois. D’un autre côté, Spektr.Press doit se développer au plus vite, car nous avons une immense vague d’événements à couvrir et une énorme actualité de conflit en Ukraine”, explique le fondateur et rédacteur en chef de Spektr.Press, Anton Lysenkov.
Pour tous ces médias et professionnels du journalisme, Shpargalka | Exile offre aujourd’hui une première base de compréhension des questions juridiques et des risques que comportent un changement de lieu et le travail dans différentes juridictions.
À propos du JX Fund–Fonds européen pour le journalisme en exil
Le JX Fund a été lancé par en avril 2022 par Reporters sans frontières (RSF) et les fondations Rudolf Augstein et Schöpflin pour aider les professionnels des médias, de manière réactive et non bureaucratique, à poursuivre leur activité immédiatement après avoir fui les zones de guerre et de conflit. Il vise à renforcer les médias indépendants en exil au-delà de la phase initiale d’attention internationale et à promouvoir un modèle durable pour de nouvelles structures éditoriales, afin qu’elles continuent de toucher leur public dans leur pays d’origine. Seul un journalisme de qualité peut permettre le développement de la démocratie dans ces pays. Sans le journalisme indépendant, c’est la censure qui vaincra.
Afin de suivre régulièrement les travaux du JX Fund, une lettre d’information est proposée sur jx-fund.org.