Shi Tao remis en liberté 15 mois avant la fin de sa peine de prison
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Reporters sans frontières se félicite de la libération anticipée du poète et journaliste Shi Tao, survenue le 7 septembre 2013. Les motifs de sa remise en liberté ne sont pas encore connus, mais selon le South China Morning Post (南华早报), sa bonne conduite au sein de la prison aurait joué un rôle déterminant dans la décision des autorités.
“Nous nous réjouissons de la libération anticipée, du journaliste quinze mois avant la date initialement prévue. Nous demandons désormais aux autorités de permettre à ce dernier de mener une vie normale, en lui épargnant la surveillance et les intimidations auxquelles de nombreux dissidents sont soumis après leur sortie de prison”, a déclaré l’organisation.
“Nous rappelons que la situation des acteurs de l’information demeure plus que préoccupante et que de nombreux journalistes dissidents chinois sont encore emprisonnés en raison de leurs activités, parmi lesquels Liu Xiaobo, Prix Nobel de la Paix 2010. Tant que le Parti persistera dans sa politique de répression et de censure, nous continuerons de dénoncer l’attitude des firmes, chinoises ou étrangères, qui se rendent complices de la surveillance d’Internet. Yahoo! Hong-Kong, qui avait transmis des informations aidant à l'identification par les autorités chinoises de Shi Tao comme l'expéditeur d'informations sensibles, avait ainsi contribué à faire condamner le journaliste ”, a ajouté Reporters sans frontières.
L'organisation avait découvert et révélé cette information le 6 septembre 2005. En novembre 2007, Reporters sans frontières avait aidé la mère de Shi Tao, Gao Qinshen, à venir de Chine pour assister à l'audition de Yahoo! devant le congrès.
Dans le cadre de son récent rapport de transparence, Yahoo! a déclaré avoir reçu depuis le début de l’année 2013, 29 000 demandes d’informations sur ses utilisateurs. Toutefois, l’entreprise américaine a fait savoir par le biais de son avocat qu’elle “prenait très à cœur la confidentialité de ses utilisateurs», et que “le département juridique de Yahoo! exige que les demandes des gouvernements soient faites en toute légalité et à des fins légales”. Reporters sans frontières souligne l’importance que revêt la confidentialité et la responsabilité morale et sociale des entreprises privées dans la protection de l’exercice des acteurs de l’information. A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre la cybercensure en mars dernier, l’organisation avait dénoncé dans un rapport spécial la complicité de certaines entreprises dans la mise en place de réseaux de surveillance par les régimes autoritaires.
En 2005, Shi Tao avait été condamné à dix ans de réclusion au motif de “diffusion de secrets d’Etat”. Il avait en réalité publié un courrier des autorités chinoises adressé aux médias nationaux leur interdisant de commémorer les évènements et la répression de 1989 sur la place Tian’anmen. Son arrestation avait été rendue possible après que l’entreprise Yahoo! eut transmis le contenu des mails de Shi Tao aux autorités chinoises. Ce dernier avait reconnu avoir communiqué la note reçue par le pouvoir chinois à un forum de la dissidence basé à l’étranger, mais niait le caractère secret de celle-ci. Pour sa part, la firme américaine s’était défendue en affirmant qu’elle avait été contrainte de se plier à la législation chinoise, et que le suivi opérationnel était assuré par l'entreprise chinois Alibaba qui gérait alors les services de Yahoo! dans le pays.
Au cours de ces derniers mois, Yahoo! a quasiment abandonné ses activités en Chine. L'entreprise a fermé successivement son service e-mail puis son portail d’actualité. Désormais, les services de messagerie électronique les plus utilisés en Chine sont assurés par des entreprises nationales.
Hormis Shi Tao, trois autres journalistes ou cyberdissidents avaient été arrêtés par les autorités chinoises après que Yahoo! leur a fourni des informations privées. Shi Tao est le dernier d’entre-eux à être libéré. Wang Xiaoning est sorti de prison en août 2012 après dix ans passés derrière les barreaux. Li Zhi, avait retrouvé la liberté en 2011 après une peine de huit ans de prison. Jiang Lijun avait été relâché en 2006, au terme de quatre années d’enfermement.
La Chine, est classée 173 sur 179 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse en 2013 établi par Reporters sans frontières, et se positionne dans la liste des Ennemis d’Internet de l’organisation.
Publié le
Updated on
20.01.2016