Malgré deux condamnations à perpétuité par le tribunal criminel de Petit-Goâve, le 12 décembre 2007, de deux individus impliqués dans la mort de Brignol Lindor, Reporters sans frontières rappelle que justice n'a pas été totalement rendue dans cette affaire. Sept ans après l'assassinat, particulièrement barbare, du jeune journaliste de la station Radio Echo 2000,
sept autres coaccusés, condamnés par contumace le 23 janvier 2008, sont toujours en cavale. L'organisation espère que la nomination, le 7 novembre 2008, de Jean Joseph Exumé, avocat de la famille de la victime, au poste de ministre de la Justice, facilitera la résolution définitive d'un crime resté trop longtemps impuni.
“La volonté politique affichée par le gouvernement du président René Préval a contribué à mettre fin au scandale suscité par une affaire restée totalement impunie pendant six ans. La situation de la liberté de la presse en Haïti s'est d'ailleurs améliorée. Cependant, les autorités politiques et judiciaires ne peuvent se satisfaire du verdict rendu il y a un an dans l'affaire Brignol Lindor, qui a laissé en suspens le sort de sept accusés et n'a pas permis de faire toute la lumière sur l'implication de la municipalité de Petit-Goâve à l'époque des faits”, a déclaré Reporters sans frontières.
Journaliste de la station privée régionale Radio Echo 2000, Brignol Lindor a été assassiné à coups de pierres et de machette, le 3 décembre 2001 à Petit-Goâve (Sud-Ouest), par des miliciens du groupe armé Domi nan bwa (“dormir dans le bois), lié au parti Fanmi Lavalas de l'ancien président Jean-Bertrand Aristide, alors en fonction.
Le 29 novembre 2001, une conférence de presse s'était tenue à l'initiative de plusieurs personnalités liées au parti Fanmi Lavalas, dont le maire de Petit-Goâve, Emmanuel Antoine, et son adjoint Bony Dumay. Ce dernier s'était alors lancé dans un violent réquisitoire contre les opposants de la Convergence démocratique et contre Brignol Lindor, considéré comme un allié de ce groupe politique. Une autre réunion a eu lieu le 2 décembre, veille de l'assassinat, entre des représentants de l'équipe municipale et des membres de Domi nan bwa. Le 3 décembre au matin, Joseph Céus Duverger, l'un des chefs de Domi nan bwa, avait été attaqué par des partisans présumés de la Convergence démocratique. Cet épisode avait servi de prétexte à une action de représailles ciblées contre Brignol Lindor. Une dizaine de membres de Domi nan bwa qui s'apprêtaient à exécuter, à son domicile, Love Augustin, un membre de la Convergence démocratique, l'ont finalement relâché pour s'en prendre à Brignol Lindor, arrivé sur les lieux. Malgré ces éléments, l'ordonnance du juge Fritner Duclair, rendue le 16 septembre 2002, a exclu de toute poursuite les commanditaires présumés de l'assassinat du journaliste.
Après cinq ans de sommeil, la procédure a été relancée en 2007, avec la délivrance de mandats d'arrêt contre les individus cités dans le dossier. Quatre individus ont été arrêtés, mais seuls deux ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité : Joubert Saint-Juste et Jean-Rémy Démosthène. Simon Cétoute, 57 ans, a bénéficié d'un acquittement pour avoir été arrêté à la place de son fils, porteur du même prénom et décédé en 2007 à Léogâne (Est). Le quatrième accusé, Fritzner Doudoute, confondu lors de son arrestation avec son quasi- homonyme et contumace Fritznel Doudoute, n'était, de fait, pas visé par l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction en 2002, ni par le mandat d'arrêt émis en 2007. Formellement reconnu par des témoins, à l'ouverture du procès, pour sa participation à l'assassinat de Brignol Lindor, il reste détenu et fera l'objet d'une nouvelle instruction. Celle-ci pourrait également concerner l'ancien adjoint au maire de Petit-Goâve, Bony Dumay, cité comme témoin lors des audiences.
Le 23 janvier 2008, le doyen du tribunal de Petit-Goâve, Emmanuel Tataye, a prononcé la condamnation par contumace des sept personnes inculpées et identifiées comme membres de Domi nan Bwa. Le juge Tataye a également ordonné la saisie des biens et des avoirs des intéressés, et la suspension de leurs droits civils et politiques. La condamnation concerne Maxi Zéphyr, Bernard Désamour, Tyrésias alias Téré, Fritznel Duvergé, Mackenzi, Belony Colin et Fritznel Doudoute, alias Lionel, alias Nènèl.