Russie : un journaliste daghestanais arrêté sur la base de témoignages extorqués sous la torture
Le journaliste indépendant Abdoulmoumine Gadjiev a été placé en détention provisoire le 18 juin au Daghestan, dans le Caucase russe. Reporters sans frontières (RSF) dénonce des accusations sans fondement et demande sa libération.
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Pendant que deux journalistes russes étaient libérés coup sur coup, leur collègue Abdoulmoumine Gadjiev était emprisonné au Daghestan, une république autonome voisine de la Tchétchénie (Sud-Ouest). Le chef de la rubrique “religion” de l’hebdomadaire indépendant Tchernovik a été arrêté le 14 juin 2019, son domicile a été perquisitionné et son matériel informatique saisi. Quatre jours plus tard, un tribunal de Makhatchkala (capitale régionale) a ordonné son placement en détention provisoire pour au moins deux mois.
Accusé de financement du terrorisme avec une dizaine d’autres suspects, le journaliste risque jusqu’à vingt ans de prison. D’après les enquêteurs, il aurait versé de l’argent à des “fondations caritatives” suspectées de financer les groupes Etat islamique (EI) et Jabhat al-Nosra. Abdoulmoumine Gadjiev nie leur avoir jamais fait le moindre don.
L’accusation semble essentiellement reposer sur les déclarations d’un témoin, Kemal Tambiev, que le journaliste assure ne pas connaître et qui s’est ensuite rétracté. Il était apparu au tribunal le visage couvert d’ecchymoses. Il a par la suite expliqué avoir subi des pressions physiques pour témoigner contre le journaliste et ne pas avoir lu le procès-verbal de son interrogatoire avant de le signer.
“Rien ne peut justifier d’emprisonner un journaliste sur la base d’un témoignage extorqué sous la torture, dénonce Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Si les enquêteurs sont incapables de s’appuyer sur des éléments matériels probants, ils doivent remettre Abdoulmoumine Gadjiev en liberté sans délai et abandonner toute poursuite à son encontre.”
Après avoir toléré la présence de la presse, la cour a ordonné le huis clos pour la fin de l’audience du 18 juin. Des dizaines de collègues d’Abdoulmoumine Gadjiev se sont rassemblés à plusieurs reprises devant le tribunal de Makhatchkala pour demander sa libération. Tous se disent convaincus que sa détention est lourde de menaces pour la presse indépendante au Daghestan.
L’un des titres les plus populaires au Daghestan, Tchernovik est coutumier des pressions. Déjà accusé de collusion avec le terrorisme pendant trois ans, l’hebdomadaire avait finalement été acquitté en 2011. Son fondateur, Khadjimourad Kamalov, avait été assassiné quelques mois plus tard.
La Russie occupe la 149e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2019, publié par RSF.