Accusé d'avoir "offensé" le chef de l'Etat béninois, le directeur de publication de L'Indépendant écope de 36 mois d’emprisonnement avec sursis, voit son journal suspendu pour deux fois trois mois et l'un de ses journalistes condamné à deux mois de prison ferme. Sur quelle route le Bénin s'engage-t-il?
Relativement bien placé à la
75e place sur 180 pays et à la 16e place parmi les pays africains, le Bénin s'engage, depuis quelques mois, sur une pente glissante. Le 26 juin 2014, le tribunal de première instance de Cotonou a condamné
John Akintola, directeur de publication de
L'Indépendant, à trois ans d’emprisonnement avec sursis et une amende de 200 000 francs CFA (300 euros) pour un article qui aurait "offensé" le chef de l'Etat Boni Yayi. Par le même jugement, le journal est suspendu pour trois mois à compter du 16 juillet 2014 et l'auteur de l'article,
Prudence Tessi, condamné à deux mois de prison ferme. L'article controversé faisait état du possible financement illicite des déplacements à l'étranger du président Boni Yayi grâce aux fonds de la société béninoise d'électricité (Sbee). Le directeur général de la Sbee, Marius Hounkpatin, a été limogé suite à cette affaire et a maintenant quitté le pays. Il avait également porté plainte contre le journal qui avait été condamné à trois mois de suspension en avril. Trois mois qui auraient du prendre fin le 15 juillet 2014.
Interrogé par RSF, le directeur du journal condamné, John Akintola, s'indigne. "On étouffe les journalistes, la presse est bâillonnée et on n'a plus le droit de travailler ou de dénoncer. Pour tenir il faut être l'appareil de propagande du pouvoir. 400 procès sont en cours aujourd'hui contre la presse au Bénin."
"
Ces lourdes condamnation ont vocation à dissuader les journalistes d'investigation de faire leur travail au Bénin. Elles confirment la pressante nécessité d'abolir les peines privatives de liberté pour les délits de presse qui sont autant de menaces contre le droit de savoir de la population béninoise, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières.
Le chef de l'Etat se déclare "offensé" mais il prend action sur la base des révélations faites par les journalistes. Le crime de ces derniers est-il vraiment la diffamation ou plutôt d'avoir révélé une vérité dérangeante ? "
Ces lourdes condamnations arrivent alors que le journaliste
François Yovo, directeur de publication de l’organe de presse
Libération a été arrêté le 17 mai dernier et transféré à la prison civile de Cotonou pour purger une peine de trois mois, à laquelle il avait été condamné en novembre 2013 pour "diffamation". Son journal avait mis en cause la corruption supposée du directeur général d’une société d'Etat.