RSF interpelle la police bangladaise sur l’inquiétante disparition du journaliste Shafiqul Kajol
Reporters sans frontières (RSF) enjoint le gouvernement du Bangladesh à veiller à ce que le reporter, disparu depuis le 10 mars, soit retrouvé dans les meilleurs délais, et que les plaintes qui pèsent contre lui et deux autres journalistes soient immédiatement levées.
Déjà sept jours que sa famille est sans nouvelle. Shafiqul Islam Kajol, photojournaliste et rédacteur au sein du bimensuel bangalophone Pakkhakal, basé dans la capitale, Dacca, a quitté son domicile le mardi 10 mars vers 15 heures pour aller au bureau. Depuis, plus rien. Le soir, ses deux téléphones étaient coupés.
Contacté par RSF, le fils du journaliste, Monorom Polok, a confirmé que la famille a déposé une plainte préliminaire (un “General Diary”, en droit bangladais) dès le lendemain de la disparition auprès du bureau de police de Chowk Bazar, dont dépend son domicile. Après que la police a révélé, dimanche 15 mars, avoir pu identifier sur des images de télésurveillance le reporter sortir du bureau le 10 mars à 19 heures, Manorom Polok a tenté, hier lundi, de faire suivre la plainte par une constitution de partie civile, afin de déclencher une enquête formelle.
L’inspecteur général de Chowk Bazar lui a répondu qu'il n’était pas compétent, parce que les images vidéo n’ont pas été tournées dans le district dont ses hommes sont responsables. Au bureau de police de Newmarket, dont dépend le lieu de travail de Shafiqul Kajol, et où les images ont été enregistrées, on a fait la même réponse, expliquant que les policiers ne sont pas compétents parce que le journaliste ne réside pas dans leur district. Résultat, à l’heure actuelle, l’enquête est au point mort.
“Il est intolérable que la disparition de Shafiqul Islam Kajol soit traitée avec autant de légèreté par la police de Dacca, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Nous appelons le ministre de l’Intérieur Asaduzzaman Khan à tout mettre en oeuvre pour que le journaliste soit retrouvé dans les plus brefs délais, sans quoi il sera tenu responsable de tout ce qui pourrait lui arriver. Plusieurs coïncidences portent à croire qu’il a été enlevé en raison de son métier de journaliste, notamment la plainte absurde pour diffamation qui a été déposée contre lui de façon concomitante.”
Dispositions draconiennes
La veille de sa disparition, Shafiqul Kajol a en effet appris qu’il était accusé de diffamation en compagnie de 31 autres individus, dont Matiur Rahman Chowdhury, rédacteur en chef du quotidien Manabzamin, ainsi qu’un de ses reporter, nommé Al-Amin. En vertu de la loi sur la sécurité numérique, les trois journalistes sont accusés par un parlementaire de la majorité, Saifuzzaman Shikhor, d’avoir “publié des fausses informations” à propos de l’implication de plusieurs personnalités dans un réseau d’escort-girls au sein d’un hôtel de luxe de Dacca.
Or, Matiur Chowdhury a expliqué au Daily Star que les articles en question ne mentionnent aucun nom, ce qui devrait invalider l’accusation de diffamation. Les 29 autres individus cités sont accusés d’avoir partager les articles sur les réseaux sociaux. Tous risquent 14 ans de prison.
Dès janvier 2018, RSF avaient dénoncé les dispositions absolument draconiennes prévues par la loi sur la sécurité numérique.
Le Bangladesh se situe actuellement à la 150e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établie par RSF.