RSF exige une protection policière pour la journaliste indienne Neha Dixit, visée par des menaces de mort
Une tentative d’intrusion à son domicile a conduit la reportrice a révélé qu’elle était l’objet d’une campagne de menaces de mort extrêmement ciblées depuis cinq mois. Reporters sans frontières (RSF) demande aux services de sécurité indiens de tout mettre en œuvre pour assurer son intégrité physique.
L’événement pourrait paraître anodin : la reportrice indépendante Neha Dixit a été victime d’une tentative d’effraction à son domicile, dans la soirée du 25 janvier. Mais, comme elle l’a révélé deux jours plus tard sur Twitter, cette intrusion intervient dans un contexte de menaces téléphoniques répétées que la journaliste reçoit régulièrement, avec des détails indiquant clairement que les auteurs de ces messages l’espionnent et savent exactement où elle se trouve à l’instant T.
Interrogée par RSF, elle décrit quelques situations. “Une fois, je me tenais sur le balcon, et la voix me dit : ‘Oh tiens, te voilà sur ton balcon… Tu crois que tu es une grande reportrice hein ? Je vais te jeter de l’acide au visage !’”. Une autre fois : “Ton mari n’est pas à la maison et toi tu es chez ton amie, hein ? Je vais te violer et balancer ton corps nu sur la route !”
Les choses ont empiré en décembre, lorsque Neha Dixit recevait cinq à six appels par jour. “Il y a deux ou trois voix différentes, mais les appels proviennent de centaines de numéros, explique la journaliste. Le but de tout cela est de me harceler au point de compromettre mon travail. Mais je ne sais pas vraiment ce qui a pu déclencher cela. Je ne sais pas si cela est lié à un reportage que j’aurai signé. Toujours est-il que la personne au bout du fil n’arrête pas de m’appeler ‘reporter, reporter’.”
Alarme
Le compagnon de Neha Dixit, le documentariste Nakul Singh Sawhney, est lui-même visé par des menaces de mort dans ces messages. Or, depuis son documentaire sur les émeutes religieuses intervenues en 2013 à Muzaffarnagar, en Inde du nord, il est l’objet de menaces orchestrés par des membres de l’Akhil Bharatiya Vidyarthi Parishad (ABVP), la branche étudiante du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), la milice nationaliste hindoue proche du parti au pouvoir en Inde.
“Tout porte à croire que Neha Dixit et son compagnon sont visés pour leur activité professionnelle, et la tentative d’intrusion à leur domicile doit servir de sonnette d’alarme, alerte le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard.
“Nous appelons les services de police indiens à tout mettre en œuvre pour protéger la journaliste et retrouver les auteurs de ces menaces sordides. Il serait terrible, pour la liberté de la presse en Inde comme pour l’image du pays à l’étranger, que l’on se retrouve avec une nouvelle Gauri Lankesh.”
Assassinat sauvage
Elle-même visée par des menaces de mort venues des milieux nationalistes hindous, la journaliste Gauri Lankesh fut sauvagement assassinée en septembre 2017, devant son domicile. Arrêté en juin 2018, son assassin présumé est un militant de la milice hindoue d’extrême-droite Sri Ram Rene, littéralement “l’armée du Seigneur Rāma”.
Une autre célèbe reportrice, Rana Ayyub,qui avait notamment enquêté sur l’arrivée du Premier ministre Narendra Modi au pouvoir, est elle-même régulièrement la cible de campagne de haine en ligne et d’appels au meurtre, comme ce fut le cas en avril 2018 ou en novembre 2019.
En novembre 2019, RSF avait saisi les Nations unies suite à une recrudescence de menaces de mort proférées à l’encontre de la lauréate du prix RSF du courage 2018, Swati Chaturvedi. L’un des messages la présentait comme “une ‘Gauri Lakesh’ de plus en devenir”. A la suite de cette saisine, cinq rapporteurs spéciaux de l’ONU avaient envoyé un courrier aux autorités indiennes pour qu’elles réagissent à ce type de situation.
L’Inde se situe à la 142e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.