Reporters sans frontières (RSF) condamne avec fermeté la détention, depuis le 8 octobre 2015, du journaliste d’investigation Liu Wei, accusé d’avoir « obtenu illégalement des secrets d'État », après avoir révélé des faits de corruption impliquant plusieurs personnalités publiques.
Le journaliste d’investigation et rédacteur en chef adjoint du quotidien
Southern Metropolis News (南方都市报) basé à Canton,
Liu Wei (刘伟), a été arrêté le 8 octobre 2015 à Chengdu, alors qu’il se rendait à Pékin pour y suivre une formation. Détenu par la police de Pingxiang, dans la province du Jiangxi (Sud-est), le reporter est accusé d’avoir «
obtenu illégalement des secrets d’Etat » après avoir publié une série d’articles impliquant un maître de qigong controversé et plusieurs personnalités publiques dans une affaire de corruption. Selon ce chef d’accusation, prévu par l’article 282 de la loi pénale de 1997, le journaliste encourt une peine maximale de sept ans de prison.
«
Nous exigeons la libération immédiate et inconditionnelle de Liu Wei, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières.
A l’instar de Gao Yu, Liu Wei n’a fait qu’exercer son métier avec professionnalisme et sens du devoir. Le gouvernement de Xi Jinping, qui a pourtant fait de la lutte anti-corruption une priorité de son mandat, démontre une nouvelle fois sa nature autoritaire. En prétextant une violation des “secrets d’Etat” pour bâillonner la source d’une information d’intérêt public, le Parti de Xi Jinping dévoile son véritable objectif : protéger ses membres et éviter qu’un nouveau coup soit porté à sa légitimité. »
Le reporter, âgé de 37 ans, avait exposé dans les pages du
Southern Metropolis News une affaire de corruption impliquant Wang Lin, célèbre - et très controversé - maître de qigong, des cadre du Parti communiste chinois (PCC), des hommes d’affaires ainsi que des célébrités. Le journaliste, à la suite de l’
interpellation de Wang Lin, en juin 2015, dans le cadre d’une affaire de meurtre, avait publié une série de documents accablants fournis par l’ancienne épouse de Wang et un officier de police. Selon le
South China Morning Post,
ces deux sources seraient détenues depuis le mois de septembre 2015 sous le même chef d’accusation que Liu Wei.
Malgré le silence des médias officiels au sujet de la détention de Liu Wei et la censure des réseaux sociaux par le PCC, le
Southern Metropolis News, qui emploie Liu Wei depuis 2009, a publié le 16 octobre dernier un communiqué de soutien au journaliste. Les demandes de libération sous caution adressées aux autorités par la famille et l’avocat de Liu Wei, les 10 et 13 octobre derniers, ont été systématiquement refusées.
Le 17 avril 2015, la journaliste
Gao Yu, première lauréate du Prix Guillermo Cano de l’Unesco en 1997, était
condamnée à sept ans de prison pour « divulgation de secrets d’Etat » par un tribunal de Pékin. Le caractère vague de l’article 282 donne aux autorités la possibilité de décréter n’importe quelle information comme étant un «
secret d’Etat », y compris a posteriori.
La Chine occupe la
176ème place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2015 établi par Reporters sans frontières.