RSF et SCM demandent la protection des journalistes exilés de Syrie, menacés d’expulsion par les gouvernements voisins

Les reporters syriens exilés au Liban, en Jordanie, en Turquie et en Irak sont menacés d'expulsion vers la Syrie, où ils risquent l'emprisonnement, voire la mort. Reporters sans frontières (RSF) et son partenaire local, le Centre syrien pour les médias et la liberté d'expression (SCM), rappellent que la Syrie, 179e sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024, reste une zone de tous les dangers pour les journalistes. Ils doivent être protégés dans leur pays d’accueil.

Les journalistes syriens au Liban doivent se rendre invisibles pour survivre. “En Syrie, nous nous sommes cachés pour éviter l'emprisonnement et la mort. En exil, nous nous cachons pour éviter d'être expulsés vers la Syrie, ce qui nous conduirait à l'emprisonnement et à la mort. C'est presque la même situation, un pas plus loin.” C'est ainsi que la situation est résumée par un journaliste indépendant de 31 ans, originaire de Damas et résidant à Beyrouth, qui a requis l'anonymat. Bien que ses papiers soient en règle depuis son arrivée au Liban en 2020, un agent du bureau de la sécurité générale l'a menacé en avril lorsqu'il a découvert sa profession : “Vous avez eu de la chance avec votre résidence”, lui a dit l'agent. “La prochaine fois, nous vous expulserons.”

Il est l'un des nombreux reporters au Liban, en Jordanie et en Irak, en plus de la Turquie, qui vivent et travaillent dans la crainte d'être renvoyés en Syrie. Malgré des contextes politiques différents, ces quatre pays ont adopté des mesures similaires pour justifier l'expulsion des réfugiés syriens, souvent sous couvert de “retour volontaire”. Aucune disposition n'a été prise dans ces pays pour protéger les journalistes syriens faisant l'objet d'un mandat d'arrêt en Syrie et éviter qu'ils ne soient pris dans le filet des arrestations et des déportations.

“Les journalistes syriens résidant au Liban, en Jordanie, en Irak et en Turquie, vivent dans la crainte constante d'être arrêtés et expulsés. S'ils sont renvoyés en Syrie, l'un des pays les plus dangereux au monde pour les journalistes, ils risquent une arrestation imminente, voire la mort. Nous demandons aux gouvernements qui les accueillent, et à la communauté internationale dans son ensemble, de leur offrir des protections et des garanties. Ils ne doivent en aucun cas être renvoyés vers le régime qui continue de les persécuter

Jonathan Dagher
Responsable du bureau Moyen-Orient de RSF

"La Syrie reste un pays peu sûr, où les journalistes risquent d'être arrêtés, enlevés ou assassinés. C'est pourquoi nous appelons les pays voisins – le Liban, la Turquie, la Jordanie et l'Irak – à assumer leurs responsabilités à l'égard des journalistes syriens qui y ont trouvé refuge, à leur fournir une protection et à ne pas les renvoyer de force en Syrie, où leur vie serait en danger.

Ebaa Munzer
Coordinatrice du programme “Médias et libertés” au SCM.

Pressions dans les pays voisins

En mai 2024, au moins trois autres reporters syriens au Liban ont contacté RSF pour demander une aide urgente afin de quitter le pays, tous invoquant la crainte d'être expulsés dans un contexte de montée des hostilités à l'égard des réfugiés syriens. L'un d'entre eux, un journaliste indépendant recherché par les forces de Bachar el-Assad pour ses reportages à Damas, a été détenu après une visite à l'ambassade de France à Beyrouth, à la suite d'un entretien dans le cadre de sa demande d'asile. Les forces de sécurité l'ont relâché quatre jours plus tard, lui donnant un mois pour régulariser ses papiers ou quitter le pays.

En Jordanie, les forces de sécurité ont arrêté Atiya Mohammad Abu Salem, étudiant en journalisme et journaliste indépendant, alors qu'il couvrait une manifestation de soutien à Gaza à Amman, la capitale. Il est resté en détention pendant plus d'un mois, et a été menacé d'expulsion vers la Syrie, avant d’être libéré le 29 mai. En Irak, un journaliste qui a également requis l'anonymat craint d'être expulsé et par conséquent arrêté dans son pays d'origine, où un mandat d'arrêt a été émis contre lui et sa famille en 2019.

Persécution sous couverture politique

Le 1er mai 2023, les ministres des Affaires étrangères de Jordanie et d'Irak ont rédigé une déclaration avec d'autres ministres des Affaires étrangères de pays arabes, affirmant que “le retour volontaire et en toute sécurité des réfugiés dans leur pays est une priorité absolue” et que “les mesures nécessaires doivent être prises pour commencer à le mettre en œuvre immédiatement, en plus de renforcer la coopération entre le gouvernement syrien et les pays qui accueillent les réfugiés”. Le 12 mai 2024, le ministre de l'Intérieur irakien a annoncé, lors d'une conférence de presse avec son homologue syrien, le lancement d'une “coopération en matière de sécurité” entre les deux pays, qui comprenait plusieurs accords, dont l'“extradition de fugitifs recherchés” vers la Syrie. Le 27 mai, le Premier ministre libanais Najib Mikati a quant à lui annoncé lors d'une conférence à Bruxelles que le Liban disposait d'un “plan d'action clair et spécifique” pour le retour des réfugiés en Syrie. Le lendemain, son gouvernement a formé un cabinet pour négocier avec le gouvernement syrien sur la question.

Avant-dernier dans le Classement mondial de la liberté de la presse  

En 2024, la Syrie tombe à la 179e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF, avec plus de 25 professionnels des médias toujours en prison, six victimes de disparition forcée, trois disparus, 38 toujours retenus en otage, et au moins 283 tués depuis le début de la révolution syrienne – dont trois en 2022 et un en 2023. Les journalistes qui finissent par être expulsés vers ce pays risquent de disparaître, d'être enlevés ou d'être tués.

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