RSF et JED s'inquiètent des menaces proférées contre un journaliste par un haut gradé de la police en RDC
Reporters sans frontières et Journaliste en danger (JED) demandent aux autorités militaires et policières de mettre un terme aux menaces répétées contre les journalistes et à l’impunité dont jouissent les éléments qui se livrent à ce type d’actions. Les deux organisations demandent également à la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) de tout mettre en œuvre pour assurer la protection effective de leurs journalistes qui font l’objet de ces menaces.
Le 23 juillet 2016, un journaliste de Radio Okapi au Nord Kivu, Gabriel Wamenya a fait l’objet de menaces explicites de la part d’un Colonel de la police congolaise. Assis dans un hélicoptère de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) en compagnie de plusieurs autorités provinciales, le Colonel Van Kasongo, commandant adjoint de l’administration de la police au nord Kivu, s’en est violemment pris au journaliste. Il lui a reproché de diffuser des “mensonges” sur Radio Okapi. Il a alors menacé le journaliste en lui disant “Je suis rigoureux dans mes habitudes (...) Je vais te poursuivre jusqu’à la fin”. Depuis le journaliste dit être suivi par des éléments de police lors de ses reportages et avoir reçu des menaces téléphoniques pendant la nuit.
« Reporters sans frontières condamne avec la dernière énergie ces menaces contre le journaliste de Radio Okapi. Nous demandons aux autorités de la police d’envoyer un clair message à ses hommes de cesser ce type de comportement indigne des gardiens de la paix dans le pays et de sanctionner ceux qui s’en rendent responsables » déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de RSF.
« Nous demandons au Colonel Kasongo de retirer immédiatement ses menaces. Faute de quoi, nous le tiendrons pour responsable de tout ce qui pourrait arriver à Gabriel Wamenya » a dit pour sa part Tshivis Tshivuadi, Secrétaire général de JED.
Le reportage incriminé, diffusé le 21 juillet 2016 sur Radio Okapi, faisait état de la mort violente, suite à un passage à tabac, d’un jeune à Goma, la capitale provinciale du Nord Kivu. La directrice de la Radio Okapi dans le Nord Kivu confirme que le reportage était équilibré et donnait la parole à toutes les parties. Le journaliste a interrogé la famille du défunt, dont les frères étaient présents pendant l’incident qui ont témoigné que la police les avaient arrêtés et battu leur frère. Ils l’ont par la suite abandonné devant la morgue de l’hôpital. Mais le jeune homme étant toujours vivant, les médecins ont tenté de le sauver pendant une semaine avant qu’il ne décède des suites de se blessures. Le journaliste a alors appelé la police pour obtenir leur réaction. Le colonel Van Kasongo a dit ne pas être au courant de ce fait et que si ces faits étaient avérés il ferait en sorte que les coupables soient poursuivis.
Une tentative de réunion de médiation proposée par les autorités de la MONUSCO a été refusée par le Colonel qui a préféré écrire une lettre adressée à la direction de Radio Okapi et de la MONUSCO. Adjointe à cette lettre, un rapport de police daté de la nuit de l’évènement stipulant que les policiers avaient trouvé le jeune homme déjà gravement blessé et l’avaient emmené à l’hôpital.
Etonnant alors, que le colonel de police n’ait pas été au courant de l’évènement lorsqu’il a été interviewé par le journaliste, une semaine plus tard.
Joint par RSF, le colonel Van Kasongo a nié avoir menacé le journaliste avant de le traiter de menteur et de dire qu’il noirçissait l’image de la police congolaise. Il a envoyé un message paradoxal en disant que la police avait beaucoup à faire et n’avait pas le temps de s’occuper du journaliste, tout en concluant de façon sibylline, “je ne suis pas le gardien de ce journaliste”.
“Nous appelons aussi les autorités de la MONUSCO à rapidement mettre en œuvre les mesures de protection nécessaire pour garantir la sécurité du journaliste actuellement menacé, rajoute RSF.
Depuis le début de l’année, RSF a recensé 63 exactions ou actes de persécution commis par les autorités congolaises contre les journalistes et les médias en RDC dont 20 au Nord Kivu.
Pour rappel, deux journalistes de radio Okapi, Serge Maheshe et Didace Namujimbo, avaient été assassinés à Bukavu en 2007 et 2008. A ce jour, leurs assassins n’ont jamais été définitivement identifié et punis.
La RDC occupe la 152e place au Classement de la liberté de la presse 2016 établi par RSF.