RSF demande au gouvernement péruvien d’agir contre les violences subies par les journalistes couvrant la crise politique
Vingt-neuf journalistes ont été agressés, dont onze par les forces de l’ordre, depuis le début des manifestations réclamant la démission de la présidente Dina Boluarte au Pérou, selon un bilan de Reporters sans frontières (RSF), qui dénonce l’obstruction des autorités à la couverture médiatique des contestations.
Le 19 janvier, les manifestations, qui ont débuté quelques jours après la destitution de l’ex-président Pedro Castillo le 7 décembre, ont atteint leur point culminant avec un rassemblement réunissant des milliers de ses partisans venus des Andes à Lima ces derniers jours. Depuis le début de la vague de protestation, au moins 44 civils sont morts lors d’affrontements avec les forces de l’ordre, qui ont fait des centaines de blessés et 29 journalistes ont été agressés.
Sur les 29 cas de violences commises contre des journalistes qui couvraient ces heurts, à Lima et dans le sud du pays, au moins onze ont identifié leurs agresseurs comme des agents des forces de l’ordre. Alors qu’il couvrait une manifestation, Aldair Mejia, photographe pour l’agence de presse EFE, a reçu une balle dans la jambe le 7 janvier dans la ville de Juliaca, à la frontière bolivienne. Il a confirmé à RSF avoir été menacé de mort par un policier, quelques heures avant les faits, pour avoir pris des photos de l’arrestation d’un manifestant. Le 19 janvier, la photographe Alejandra Elias, collaboratrice de l’agence Associated Press, a été agressée par des policiers près de l’aéroport de Cusco. Ils l’ont menacée alors qu’elle les prenaient en photo en train d’agresser un passant. La police péruvienne ne répond plus aux sollicitations des journalistes depuis que la répression sanglante a fait ses premières victimes.
"Depuis l’éviction de Pedro Castillo, cinquième président depuis 2016, le Pérou est plongé dans une crise politique dont le bilan humain s’aggrave de jour en jour. Dans la plupart des cas, les journalistes racontent que les agents de police ont volontairement obstrué les objectifs de leurs caméras, qu’ils ont tenté de détruire leur matériel ou qu’ils leur ont demandé de quitter les lieux, montrant clairement la volonté de passer sous silence la répression des manifestations. L’état d’urgence ne peut pas signifier une carte blanche pour les forces de l’ordre. Le gouvernement de Dina Boluarte ne peut pas les laisser empêcher les journalistes de couvrir les affrontements, et se doit de garantir leur intégrité physique.
La destitution de Pedro Castillo et le retour au pouvoir des élites traditionnelles sont contestés surtout dans le Sud andin, dont il est originaire, et où se concentrent les violences, y compris celles contre les journalistes. Les médias conservateurs, ayant basculé ces dernières années dans la désinformation, relayent la version du nouveau gouvernement, qui attribue ces troubles à des terroristes financés par des fonds illégaux, et passe sous silence la violente répression policière.
Ces dérives de la part de certains médias contribuent à mettre en danger les journalistes, car elles alimentent l’hostilité des manifestants à leur égard, qui s’est traduite par de violentes agressions le 19 janvier à Lima. Dans un communiqué, l’Association nationale des journalistes du Pérou a critiqué l’action de la police jeudi 19 janvier dans la capitale, pour avoir bloqué le passage des professionnels des médias, à un moment de confrontation avec les manifestants.
Le Pérou occupe actuellement la 77e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.