RSF demande au gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée le retrait immédiat de son ordonnance de contrôle des médias

Le gouvernement papouan-néo-guinéen a récemment présenté un projet de “développement” des médias qui, sur la forme, a été décidé sans la moindre concertation et qui, sur le fond, fait peser de lourdes menaces sur l’indépendance journalistique. Reporters sans frontières (RSF) appelle le gouvernement à retirer immédiatement ce texte liberticide.



 

L’enfer est pavé de bonnes intentions… Le gouvernement de Port Moresby, la capitale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG) a déposé, le 5 février dernier, un projet d’ordonnance intitulé “politique nationale de développement des médias un texte qui a pour ambition de faire des organes de presse “un outil de développement qui fait la promotion de la démocratie, de la bonne gouvernance et des droits humains”.



Problème : élaborée sans sonder ni les organisations de défense de la liberté de la presse, ni les professionnels du secteur, cette ordonnance connaît de nombreux écueils. Seul un délai de consultation publique, initialement fixé à deux semaines, a été rallongé in extremis de sept jours, jusqu’au 27 février prochain.

Il est tout à fait louable, pour une démocratie, de vouloir encourager l’essor d’un espace informationnel sain et dynamiqueMais, en l’état, le texte proposé par Port Moresby met clairement en péril l’indépendance des rédactions en instituant un contrôle gouvernemental sur leurs productions. RSF appelle le ministre des Technologies de l’information et de la Communication, Timothy Masiu, à abandonner ce texte et à reprendre ce projet à zéro sur la forme, en organisant une vraie consultation, et sur le fond, en prévoyant de réelles garanties pour l'indépendance journalistique.

Daniel Bastard
Responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF

Les mesures les plus alarmantes prévues par le texte concernent la transformation du Conseil des médias une organisation non gouvernementale qui fait actuellement office d’organe de représentation des professionnels du secteur. Dans sa nouvelle attribution, ce conseil deviendrait une commission judiciaire capable de décider qui sera considéré ou non comme journaliste, d’édicter un code éthique et d’imposer des sanctions aux professionnels des médias qui s’en écarteraient.

“Organe de contrôle étatique”

Des pouvoirs d'autant plus exorbitants qu’aucune garantie d’indépendance n’a été prévue concernant la nomination des membres de cette entité. Le projet d’ordonnance ne prévoit pas non plus de possibilité pour les journalistes et les organes de presse de contester ou de de faire appel des décisions prises par ce nouveau Conseil des médias.

“Cette ordonnance conçoit le Conseil des médias comme un organe de contrôle des journalistes, doté de la capacité de leur fournir des accréditations. Cela signifie, en théorie, que l’organe pourrait pénaliser les journalistes qui présentent des points de vue qui divergent de ceux du gouvernement, alerte le blogueur et analyste, ancien vice-directeur éditorial de la chaîne publique EMTV News, Scott Waide. Le Conseil réinventé risque de ne devenir rien de plus qu’un organe de contrôle étatique supplémentaire.



L’adoption du texte gouvernemental semble d’autant plus précipitée que les autorités de la PNG disposent déjà de voies de recours judiciaires en cas de conflit avec les médias, prévues notamment dans la loi sur la diffamation de 1962 et la loi de 2016 sur les délits en ligne en ligne.

Plusieurs journalistes ont été récemment la cible de pressions exercées en sous-main par le gouvernement. À commencer par Scott Waide lui-même, qui a été suspendu de ses fonctions au sein d’EMTV News en novembre 2018, pour avoir divulgué de possibles détournements de fonds publics à travers l’achat de voitures de luxe par Port Moresby. 



L’année passée, en février 2022, c’est la directrice de la rédaction d’EMTV News, Sincha Dimara, qui a connu le même sort à la suite de la diffusion de trois reportages qui ont déplu à un membre du gouvernement.

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