RSF demande à Meta de s’expliquer sur un bug valorisant la désinformation
L’algorithme de Facebook a renforcé la visibilité de publications identifiées comme de la désinformation durant six mois. Reporters sans frontières (RSF) demande des explications publiques et détaillées sur ce dysfonctionnement et ses conséquences.
C’est une note interne secrète, rédigée par des ingénieurs de Meta, le propriétaire américain de Facebook, qui vient d’être révélée par le média américain The Verge et dont le contenu est effarant : les ingénieurs de Meta ont découvert un « échec massif de classement » ayant pu accroître de 30% la visibilité de contenus de désinformation identifiés par les partenaires de la plateforme ! Ce « bug » a également concerné des publications de médias d’État russes. D’autres contenus violents ou contenant de la nudité ont aussi pu être promus. RSF demande à Meta de donner des explications précises sur les conséquences de ce dysfonctionnement, ainsi que de publier des données sur cet incident.
Selon le document sur lequel se base The Verge, ce problème technique daterait de 2019, mais n’aurait perturbé le service qu’entre octobre 2021 et mars 2022. Le porte-parole de la firme, Joe Osborne, a également affirmé sur Twitter que ce problème n’avait eu aucun impact signifiant durant ces six derniers mois, mais n’en apporte aucune preuve formelle.
“Meta se veut rassurante mais il est compliqué de prendre sa parole pour argent comptant dans ces circonstances, regrette Vincent Berthier, responsable du bureau technologies de Reporters sans frontières (RSF). Pourquoi ne pas avoir rendu cette note publique ? Le rôle que joue la plateforme dans l’accès à l’information ne l’autorise pas à rester silencieuse sur des dysfonctionnements aussi graves.”
Des empires trop vastes pour être gouvernés dans le secret
Depuis sa création en 2004, Facebook s’est enfoncé dans un labyrinthe de complexité. Les révélations de la lanceuse d’alerte Frances Haugen fin 2021 ont rapporté que des modifications de certains logiciels de réseau social pouvaient initier des dérèglements incontrôlés par leurs créateurs. Au-delà de Facebook, toutes les plateformes sont concernées et façonnent un espace informationnel surpuissant mais instable, capable d’échapper à ses créateurs ou d’être manipulé par des puissances.
“L’accès aux données et la transparence des algorithmes sont plus urgents que jamais, ajoute le responsable du bureau technologies de RSF. Des chercheurs indépendants doivent connaître la manière dont les plateformes sélectionnent et agencent les contenus proposés à leurs utilisateurs. Les résultats de ces études doivent être rendus publics pour rectifier les erreurs de conception et protéger les utilisateurs.”
Le rapport Infodémie publié sous l’égide du Forum sur l’information et la démocratie, initié par RSF, réclamait déjà de telles mesures parmi ses 250 propositions concrètes à l’intention des plateformes et des décideurs. Le Digital Services Act (DSA) prochainement voté par l'Union Européenne permettra également d’accroître la transparence des plateformes et un certain accès à leurs données. Ce texte ambitieux ne va cependant pas assez loin sur la question, comme RSF le déplorait déjà en février 2022. Le Code de pratique sur la désinformation, en cours de négociation entre la Commission européenne et les plateformes, doit également amener celles-ci à s’engager à plus de transparence ainsi qu’à l’ouverture de données aux chercheurs.
Les Etats-Unis sont classés 44ème sur 180 pays dans le classement 2021 de la liberté de la presse dans le monde.