RSF dénonce “l’arrêt de mort symbolique” de Novaïa Gazeta après la révocation de ses licences en Russie
Mise à jour : Le 13 septembre 2022, Novaïa Gazeta a été condamné à une amende de 400 000 roubles (environ 6700 euros) pour "discrédit de l'armée russe", sur la base de trois articles qui ne mentionnent pas les forces armées. Le 15 septembre 2022, la licence de son site internet a été invalidée pour avoir omis de citer comme “agents étrangers” des organisations inscrites par le ministère de la Justice russe dans le registre des “agents étrangers”. Le 22 décembre 2022, la radiation du site de Novaïa Gazeta a été confirmée en appel. Le 7 février 2023, la révocation de la licence de la version papier du journal ainsi que celle du magazine Novaïa Rasskaz-Gazeta a été confirmée en appel.
Un tribunal de Moscou a invalidé mardi 6 septembre 2022 la licence d’un nouveau magazine du média d’investigation, après avoir révoqué la veille celle du journal imprimé. La justice russe devrait se prononcer le 15 septembre sur la radiation du site Internet. Reporters sans frontières (RSF) dénonce l’accomplissement symbolique des desseins du Kremlin visant à faire taire tout journalisme indépendant en Russie.
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“Le Kremlin signe l’arrêt de mort symbolique d’un média indépendant emblématique, estime la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale, Jeanne Cavelier. Cette décision cynique, quelques jours seulement après la mort de Mikhaïl Gorbatchev qui avait contribué à la fondation de Novaïa Gazeta, parachève la chape de plomb qui s’abat sur les journalistes depuis l’invasion russe de l’Ukraine. RSF réaffirme son soutien à la rédaction.”
Les deux décisions de justice ont été rendues à la suite de plaintes déposées par le régulateur russe des médias, Roskomnadzor, classé comme prédateur numérique de la liberté de la presse par RSF. Prudent, le journal d’investigation avait pourtant supprimé de nombreux contenus et suspendu ses publications papier et Internet en mars 2022, après deux avertissements du Roskomnadzor pour manquement à la loi sur les “agents de l’étranger”. Il avait lancé en juillet un nouveau mensuel, Novaïa Rasskaz-Gazeta, ou “NO”.
Le 2 septembre, le rédacteur en chef de Novaya Gazeta. Europe, Kirill Martynov, média en exil soutenu par RSF à travers le JX Fund, a été labellisé “agent étranger” par le ministère de la Justice russe, portant à plus de 180 le nombre de journalistes et médias figurant sur cette liste infamante. Cette loi fait partie de l’arsenal du pouvoir pour museler la liberté de la presse, qui s’est encore étoffé depuis le début de l’invasion en Ukraine du 24 février.
La révocation du journal imprimé est intervenue le même jour que la lourde condamnation d’Ivan Safronov à 22 ans de prison et 500 000 roubles (environ 8 200 euros) d’amende, dans un procès inique pour trahison, tenu à huis-clos. La rédaction de Novaïa Gazeta avait publié avant l’audience un message de soutien au journaliste d’investigation.
Célèbre et reconnu pour ses enquêtes sur les mercenaires du groupe Wagner, la corruption au sein du pouvoir, ou encore la répression en Tchétchénie, Novaïa Gazeta a perdu depuis sa création six de ses collaborateurs, assassinés en raison de leur travail. Son rédacteur en chef Dmitri Mouratov a reçu en 2021 le prix Nobel de la paix avec la journaliste philippine Maria Ressa.