RSF dénonce l’acharnement judiciaire du gouvernement guatémaltèque contre le journal El Periódico
La justice du Guatemala a ouvert une enquête contre neuf journalistes d’El Periódico pour “désinformation” au sujet du procès contre le président du journal, José Rubén Zamora. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités guatémaltèques à mettre fin à cet acharnement judiciaire contre ce média et à libérer son dirigeant.
Le 28 février, une nouvelle audience s’est tenue dans le cadre du procès contre le fondateur du quotidien el Periódico, José Rubén Zamora, en détention provisoire depuis près de sept mois. Initialement poursuivi pour chantage, trafic d’influence et blanchiment d’argent, il est désormais également accusé d’obstruction à la justice en lien avec les accusations, visant les journalistes du quotidien, de désinformation sur la procédure en cours.
“Après les attaques contre des procureurs et des magistrats, celles menées contre la presse qui dénonce la corruption révèlent une grave dérive autoritaire au Guatemala depuis l'arrivée au pouvoir d’Alejandro Giammattei en 2020, alerte le directeur du bureau Amérique latine de RSF, Artur Romeu. Cet acharnement judiciaire éhonté contre el Periódico porte un coup sévère à la liberté de la presse au Guatemala, notamment en instaurant un climat de censure. RSF appelle les autorités à y mettre un terme sur le champ, en abandonnant les charges qui pèsent contre les journalistes et contre José Rubén Zamora, et en libérant immédiatement ce dernier.”
“Ils ne nous feront pas taire”, a publié el Periódico sur son site Internet, au lendemain du rebondissement judiciaire contre ce quotidien national de référence, qui publie depuis 20 ans des enquêtes dénonçant la corruption de la classe politique au Guatemala. Ce qui lui a toujours valu menaces, pressions financières et poursuites judiciaires abusives, mais qui se sont intensifiées après ses révélations de 2021 sur des pots-de-vin reçus par le président Giammattei. Suite à l'arrestation de José Rubén Zamora le 29 juillet 2022, les comptes du journal ont été gelés, ce qui a contraint el Periódico à cesser sa parution papier, et à licencier 80 % de son personnel. Le procès doit reprendre le 2 mai prochain.
“Plus qu’à titre personnel, c’est inquiétant pour tous les journalistes qui scrutent le pouvoir et dénoncent les irrégularités qu’ils découvrent”, déclare Alexander Valdez, l’un des neuf journalistes visés par l’ouverture de l’enquête, au correspondant de RSF au Guatemala. “C’est ce type de travail que l’on cherche à censurer”, a-t-il ajouté.
La sécurité des journalistes s’est dégradée ces dernières années et en 2022, ils sont cinq à avoir quitté le pays en raison d’intimidations ou de persécutions judiciaires.