RSF dénonce fermement les attaques contre les journalistes qui couvrent les violences urbaines en France
Au moins 18 professionnels de médias ont été agressés lors des journées et nuits de révoltes, déclenchées par la mort du jeune Nahel, tué par un policier à Nanterre. Les reporters ne doivent pas être pris à partie alors qu'ils font leur travail d'information.
Mise à jour le 4 juillet 2023
Au moins 18 professionnels de médias dépêchés sur le terrain pour couvrir les émeutes suite à la mort du jeune Nahel ont été agressés entre le 27 et le 30 juin dans plusieurs villes de France.
“Les agressions des journalistes qui couvrent les violences urbaines sont totalement inacceptables. Tout doit être fait pour qu’ils puissent continuer à garantir le droit à l’information en sécurité maximale.
La plupart de ces incidents, recensés par RSF, se sont déroulés à Nanterre, là où Nahel résidait et a été tué. Après y avoir été agressé au visage par un groupe de jeunes individus dans la nuit du 27 au 28 juin, le photojournaliste Kiran Ridley, doit subir, ce lundi 3 juillet, une opération de chirurgie faciale. Le photographe qui travaille pour l’agence Getty Images a été frappé au visage à trois reprises par des jeunes hommes qui lui ont cassé le nez. Un de ses confrères de Bloomberg qui l’accompagnait a également été molesté.
Le photographe indépendant Henrique Campos, qui travaille pour l’agence photo Hans Lucas, a été agressé dans la matinée du 28 juin. Alors qu’il prenait des images des lieux de l’accident pour le journal L’Humanité, il a été “pris à partie et insulté” par “cinq ou six jeunes hommes” regroupés près d’une moto, témoigne-t-il à RSF. Le plus jeune du groupe a tenté de lui “péter” son matériel photo, un autre l’a plaqué au sol. Le photoreporter a réussi à protéger son matériel mais a reçu de nombreux coups de pied et de coude dans les vertèbres. Cinq jours après l’agression, s’il a repris le travail, il souffre toujours de multiples contusions.
Ciblés par des pavés
Le lendemain, le 29, le photographe indépendant Corentin Fohlen a été violemment attaqué au cours des heurts qui ont éclaté après la marche blanche en mémoire de Nahel et qui se sont poursuivis dans la nuit. Un individu a frappé la tête casquée du photographe avec un pavé, alors que celui-ci prenait des photos pour Libération. Lorsqu’il s’est retrouvé à terre, plusieurs personnes ont essayé de lui enlever son casque. L’appareil photo, avec lequel le reporter a tenté de se défendre, lui a été volé.
Le photojournaliste Khanh Renaud, qui travaille pour Le Point, a, lui, été agressé par une dizaine d'émeutiers. Alors que vers 1 h du matin, les pompiers et les policiers “à court de munitions” quittaient les lieux, dans la nuit du 29 au 30 juin, il a été encerclé par un groupe et violemment passé à tabac, recevant même des pavés. Laissé seul sur le trottoir après avoir été dévalisé, il souffre d’une blessure au genou et de multiples contusions.
Réfugié politique en France et photographe pour l’agence turque Anadolu, Ibrahim Hendy a été pris à partie le 29 juin en fin d'après-midi alors qu’il couvrait les événements sur l’avenue Pablo Picasso avec un confrère. Comme il a témoigné sur la “hotline violences urbaines de RSF”, plusieurs individus masqués lui ont pris son matériel – deux appareils photo, deux objectifs et sa carte SD – et lui ont demandé 500 euros en échange. Il a refusé, et n’a pas pu récupérer son matériel.
Dans la nuit du 29 au 30 juin, dans le même secteur, une équipe d’Al Jazeera s’est faite brutaliser et voler son matériel par des jeunes hommes mécontents d’être filmés alors qu’elle couvrait les révoltes en direct. Le journaliste a été roué de coups et le matériel du caméraman a été volé. Les deux journalistes ont trouvé refuge auprès de la police sans pouvoir récupérer leur matériel.
Cette même nuit, toujours à Nanterre, Steven Decraene reporter pour VRT Nws, la chaîne publique belge néerlandophone, et son équipe – un caméraman, un preneur de son et un fixeur – ont reçu des jets de pavés sur leur voiture alors qu’ils étaient en train de travailler. La vitre arrière gauche du véhicule a été brisée. Plus tôt dans la journée, l’équipe a reçu de nombreuses menaces de mort alors qu’elle couvrait en direct la marche blanche en hommage à Nahel.
Sept points de suture
Non loin de Nanterre, porte de Saint-Ouen au nord de Paris, un reporter du Figaro a été molesté avant de se faire dépouiller de son téléphone. Un autre journaliste du quotidien a été menacé par un homme “avec ce qui ressemblait à une arme à feu,” a-t-il témoigné, alors qu’il voulait diffuser en direct les violences en cours.
À Besançon, dans l’est de la France, au moins deux reporters ont été agressés lors des rassemblements massifs et spontanés qui ont suivi l’homicide de Nahel. Le reporter indépendant qui coopère avec Radio BIP/Média 25, connu sous le pseudonyme Toufik-de-Planoise, a reçu un coup de barre à mine sur la tête qui a nécessité sept points de suture. La journaliste de la même radio associative Emma Audrey a été ciblée par un coup qui a brisé son casque. L’agression a cessé grâce à l’intervention d’autres personnes sur place.
À Tours, dans la nuit du 29 au 30 juin, place de la Liberté, une journaliste reporter d’images pour TV Tours-Val de Loire a été prise à partie par une quinzaine d’individus cagoulés, qui l’ont brutalisée et ont détruit sa caméra. La direction du média a annoncé vouloir déposer plainte.
La même nuit, à Nantes, sur le parking de France 3 - Pays de la Loire, un véhicule a été incendié et l’équipe a constaté plusieurs dégradations matérielles sur le bâtiment de la rédaction.
À Angers, le journaliste de Ouest-France Maël Fabre a été agressé physiquement, mis au sol et roué de coups, dans le quartier de la Roseraie le 30 juin. Le journaliste indique qu’une plainte sera déposée par son média.
La France se situe à la 24e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.