RSF appelle Zelensky à lancer une “feuille de route” en huit points pour la liberté et la fiabilité de l’information
Un an exactement après l’ouverture de son Centre pour la liberté de la presse dans la capitale ukrainienne, Reporters sans frontières (RSF) a présenté à Kyiv une feuille de route en huit points pour renforcer le journalisme en Ukraine. L’organisation a soumis ses propositions à la présidence, au ministère de la Culture et au bureau du procureur général.
Lors d’une conférence de presse à Kyiv ce 17 mai, RSF a appelé les autorités ukrainiennes à adopter et mettre en place une feuille de route en huit points. Cette série de propositions vise à renforcer l’indépendance, le pluralisme et la qualité du journalisme. Organisée au siège de l’agence Ukrinform, la conférence de presse organisée par RSF incluait la directrice de l’Institute for Mass Communication (IMI) et la présidente du conseil de surveillance du groupe de l’audiovisuel public, Suspilne.
Arrivée à Kyiv le 15 mai, la délégation de RSF a lancé l’ “an deux” du soutien aux journalistes et médias en Ukraine depuis l’agression russe du 24 février 2022. Des entretiens ont été organisés à la présidence ukrainienne, au ministère de la Culture, au parquet général, ainsi qu’avec les rédactions de plusieurs médias, qui ont exprimé leur grand intérêt envers les solutions proposées par RSF. L’organisation a reçu des signaux positifs de la part des autorités ukrainiennes.
Lors de la conférence de presse, le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire a présenté les priorités de cette feuille de route :
- Mettre fin aux restrictions abusives ou discriminations dans la couverture de la guerre
- Favoriser le pluralisme et l’indépendance des médias
- Sécuriser le financement du journalisme
- Favoriser le journalisme de qualité dans les écosystèmes numérique et économique à travers la mise en œuvre du protocole d’urgence de la Journalism Trust Initiative (JTI)
- Rejoindre le Partenariat international sur l’information et la démocratie, une initiative multilatérale initiée par RSF pour concevoir et mettre en oeuvre des garanties démocratiques dans l’espace numérique
- Développer et promouvoir le cadre juridique proposé sous le nom de “système de protection” des espaces informationnels démocratiques
- Lutter contre l’impunité des crimes contre les journalistes, en en faisant une priorité pour la justice
- Traduire en justice les responsables de la propagande qui ont incité aux crimes de guerre
“La situation en Ukraine est historique. La mondialisation de l’information, la désintermédiation de l’espace de la communication et les moyens technologiques pour produire et amplifier la désinformation sont un contexte complètement inédit pour la propagande. Par ailleurs, les crimes de guerre contre les médias et les journalistes sont commis à une échelle industrielle par les forces armées russes. Nous sommes impressionnés par leur résilience malgré ce contexte. Nous souhaitons soutenir l’Ukraine démocratique pour continuer sur cette voie, d’où nos propositions pour renforcer son espace informationnel.
“Avec près de 15 000 journalistes accrédités pour couvrir la guerre, les accréditations sont un défi important pour les autorités ukrainiennes. Nous appelons à une communication officielle et la clarification de la levée des restrictions pour les accréditations des journalistes sur le front, et à lutter contre toute discrimination envers les médias.
Responsable de la Journalism Trust Initiative (JTI), Thibaut Bruttin a présenté la mise en place du Protocole d’urgence JTI lancé en partenariat avec Newsguard, visant à soutenir les médias d’information de qualité. Ce mécanisme de réponse rapide permettra aux rédactions en zones à risques, à commencer par l’Ukraine, d’accélérer l’évaluation de leur conformité avec la JTI et d’obtenir leur score de fiabilité NewsGuard, pour recevoir le soutien des annonceurs, des bailleurs de fonds et des entreprises de la tech.
Lors de la conférence de presse, Oksana Romaniuk, directrice de l’IMI, partenaire ukrainien de RSF, a rendu hommage à tous les journalistes ayant perdu leur vie lors de la guerre que la Russie mène contre l’Ukraine depuis un an : “Nous ferons tout pour préserver et développer le pluralisme en Ukraine, protéger les journalistes et soutenir le journalisme de qualité”, a-t-elle souligné en évoquant les défis auxquels les professionnels des médias font face en Ukraine.
Remerciant RSF pour l’aide matérielle apportée, la présidente du Conseil de surveillance de Suspilne, Svitlana Ostapa, a appuyé l’appel de l’organisation à soutenir ce jeune média public, “un important élément d’une société démocratique”, et appelé à mettre fin au “marathon de l’information national”, nécessaire au début de la guerre mais aujourd’hui en “dérive”.
En un an, les Centres pour la liberté de la presse ouverts par RSF en mars et mai 2022 ont permis à RSF, aux côtés de l’IMI, d’apporter un soutien à près de 1 300 journalistes et médias couvrant la guerre, dont les trois quarts sont ukrainiens. En février dernier, des équipements énergétiques ont été distribués, permettant aux médias affectés par l’intensification des frappes de l’armée russe sur l'infrastructure énergétique en Ukraine de poursuivre leur activité.