RSF appelle les États européens à renforcer leur soutien aux médias biélorusses en exil, menacés malgré leur résilience, selon le rapport de The Fix et JX Fund

Les journalistes biélorusses en exil en Europe font face à des défis économiques qui menacent la survie de leurs médias, selon un rapport du groupe de réflexion pour les professionnels des médias, The Fix, et du fonds de soutien pour le journalisme en exil, JX Fund, créé par Reporters sans frontières (RSF). Alors qu’ils ont fui la répression du régime d’Alexandre Loukachenko et font preuve d’une résilience exemplaire, ces reporters et leurs médias doivent aujourd’hui être plus amplement soutenus par leurs pays d’accueil.

“La machine répressive de la ‘plus vieille dictature d’Europe’ s’est emballée au lendemain de la révolution d’août 2020, provoquant l’exode historique des dernières voix dissidentes du Bélarus. Malgré le développement de stratégies pour pallier les obstacles de la relocalisation forcée, les difficultés économiques menacent leur survie. RSF exhorte les États européens à renforcer leur soutien aux journalistes biélorusses en exil, pour préserver les derniers relais d’une information fiable et essentielle.

Jeanne Cavelier
Responsable du Bureau Europe de l’Est et Asie centrale

Une audience qui résiste

Même en exil, les médias biélorusses indépendants conservent une forte audience au Bélarus : les cinq plus grands sites d’information, dont Zerkalo (ex-TUT.BY), ont enregistré au total 17 millions de visites en décembre 2023 – dans un pays qui compte moins de 10 millions d’habitants. 

Le rapport publié le 28 mars par The Fix et le JX Fund, fonds de soutien pour le journalisme en exil créé par RSF avec les fondations Rudolf Augstein et Schöpflin, constate une résilience exemplaire de 69 médias biélorusses en exil analysés. Depuis leurs pays d’accueil et grâce à un réseau actif de correspondants au Bélarus, ils se sont tournés davantage vers l’investigation et la couverture d'événements nationaux plutôt que régionaux. Ils investissent les réseaux sociaux comme Telegram (1,3 million d’abonnés cumulés en 2023), YouTube (21 millions de vues cumulées), ou encore Instagram et TikTok. Et ce sont aussi des médias qui multiplient les projets, à l’instar du site d’information Malanka, de la station Euroradio et du journal Belarusy i Rynok, qui ont cofondé la chaîne Belarus Tomorrow, diffusée sur le bouquet satellitaire Svoboda lancé par RSF en mars 2024.

Des médias en sursis

Néanmoins, les difficultés économiques menacent la survie du journalisme biélorusse en exil, face à la machine de propagande d’Alexandre Loukachenko qui a bénéficié de 50 millions d’euros en 2023 et qui devrait encore se renforcer après la création, en janvier 2024, d’une société de médias d’État commune à la Russie et au Bélarus

La structuration économique de ces médias en exil dépend à plus de 90 % de donateurs, selon le rapport. Plus des trois quarts des médias en exil peinent à rémunérer leurs employés. Plus de la moitié (54 %) ont recours aux congés sans solde, et ils sont 69 % à ne pouvoir offrir ni bonus ni accompagnement psychologique à leurs équipes, en sous-effectif, alors que de nombreux journalistes souffrent de traumatismes importants. Cette insécurité financière rend par conséquent le journalisme moins attractif et le recrutement compliqué, notamment pour les postes à responsabilité.

Répression incessante

À la suite de l’élection présidentielle falsifiée d’août 2020, Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, a accéléré la répression contre les journalistes indépendants en multipliant les arrestations. Nombreux sont les professionnels alors forcés à l’exil, avec la plus grande vague d’émigration enregistrée entre l’été 2020 et l’été 2021, principalement vers la Pologne et la Lituanie. Cela ne garantit cependant pas la sécurité des journalistes, parfois la cible de pressions sur leurs proches restés au pays ou de sanctions à cause de leur collaboration avec des médias indépendants listés comme “extrémistes” par le pouvoir. 

Les journalistes russes ont connu le même sort après l’invasion à grande échelle de l’Ukraine le 24 février 2022, comme décrit dans le rapport de The Fix et JX Fund sur le journalisme russe en exil, publié en décembre 2023.

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