La sentence édictée par le tribunal de Tegucigalpa à l'encontre de Renato Álvarez, présentateur de l'émission de "Frente a Frente", constitue une violation grave de la liberté de la presse, au regard des textes internationaux. Reporters sans frontières demande au président de la Cour suprême de revenir sur ce verdict.
Le 18 février 2004, Renato Álvarez, présentateur d'une émission diffusée par le groupe Corporación Televicentro, a été condamné à deux ans et huit mois de prison avec sursis et mise à l'épreuve et privé de certains de ses droits civils, par un tribunal de Tegucigalpa. Le 4 février dernier, il avait été déclaré coupable de diffamation et calomnie par ce même tribunal.
Dans une lettre adressée à Vilma Cecilia Morales Montalván, présidente de la Cour suprême, Reporters sans frontières a critiqué ce verdict. "Il est incompréhensible que Renato Álvarez ait été condamné pour avoir simplement posé une question à un ministre. Sa condamnation est d'autant plus troublante que, au mois de janvier, un autre tribunal saisi d'une affaire similaire contre M. Álvarez l'avait acquitté", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de l'organisation.
"Par ailleurs, indépendamment de la question de la culpabilité du journaliste, nous vous rappelons que la condamnation d'un journaliste à une peine de prison pour diffamation constitue une sanction excessive portant atteinte à la liberté d'expression. D'autre part, la mise à l'épreuve met le journaliste sous pression d'une manière intolérable et la privation de certains de ses droits civils constitue une sentence démesurée", a souligné Reporters sans frontières. "Nous espérons que la Cour suprême, auprès de laquelle le journaliste à l'intention de faire appel, annulera ce verdict."
Reporters sans frontières rappelle que dans un texte adopté en janvier 2000, le rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression des Nations unies a clairement établi que "l'emprisonnement en tant que condamnation de l'expression pacifique d'une opinion constitue une violation grave des droits de l'homme."
Par ailleurs, l'article 10 de la Déclaration de principes sur la liberté d'expression de la Commission interaméricaine des droits de l'homme stipule clairement que "la protection de la réputation doit être garantie seulement par le biais de sanctions civiles dans les cas où la personne lésée est un fonctionnaire public".
Rappel des faits
Le 18 février 2004, Renato Álvarez, présentateur de l'émission "Frente a Frente", diffusée par le groupe Corporación Televicentro (Canal 3, Canal 5 et Canal 7) a été condamné à trente deux mois de prison avec sursis et une mise à l'épreuve de cinq ans. Le tribunal a assorti cette peine de prison du paiement des frais de justice et de la suspension de certains de ses droits civils dont le droit de vote, l'administration de biens, la possibilité d'assumer des fonctions publiques et la puissance paternelle. Le tribunal, composé des juges Félix Avila, Thelma Cantarero et Enilda Geraldina Mejía, avait reconnu le journaliste coupable de diffamation et de calomnie le 4 février dernier et reporté l'énoncé de la sentence au 18 février.
Il s'agit du deuxième procès en diffamation contre le journaliste pour cette affaire. Une semaine plus tôt, un autre tribunal avait innocenté Renato Álvarez.
Le 23 juin 2003, Renato Álvarez avait interrogé le ministre de la Sécurité Oscar Alvarez sur le bien-fondé des soupçons pesant sur une trentaine de personnalités, dont les noms figuraient sur une liste qui lui avait été remise peu de temps avant le début de son émission, diffusée en direct. Le journaliste avait lu à l'antenne les noms de ces personnalités, parmi lesquelles figuraient Eduardo Sarmiento et Rossel Barralaga, soupçonnées d'être liées au trafic de drogue.
Renato Álvarez a déclaré qu'il avait l'intention de présenter un recours en cassation devant la Cour suprême. Son avocat souligne notamment que l'accusation a prêté au journaliste des déclarations qui ne correspondent pas à celles tenues lors de l'émission. Suite au verdict du 4 février, le journaliste avait également fait part de son intention de porter plainte pour "menaces" contre Eduardo Sarmiento et son avocat. Au cours du procès, ce dernier, Antonio Ocampo Santos, avait demandé aux juges de ne pas contraindre son client à laver son honneur "dans le sang" si le journaliste devait être innocenté.